Intervention de Jean-Paul Aghetti

Réunion du 10 décembre 2014 à 17h30
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Jean-Paul Aghetti, directeur « énergie » de Rio Tinto Alcan :

Pour nous, le point fondamental, c'est de conclure des contrats à long terme. Or, Mme Céline Gauer, que vous avez auditionnée récemment au titre de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, considère que la France, avec un producteur dominant, est dans une position spécifique : dès lors que celui-ci signe un contrat à long terme, il ferme le marché, ce qui, pour Bruxelles, est inacceptable. Il est essentiel que vous, parlementaires, nous souteniez pour faire infléchir cette politique européenne et assouplir les positions du « gardien du temple » qu'est la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Nos groupes industriels sont capables de trouver des marchés sur vingt-cinq ou trente ans ailleurs dans le monde ; le seul endroit où ce n'est pas possible, c'est dans l'Union européenne, et en particulier en France. C'est cela qui, pour nous, est inacceptable !

Nous ne pouvons pas faire de business avec le marché de gros. Pour prendre une image, nous sommes embarqués avec les commissaires européens à bord du Titanic ; pour éviter l'iceberg, il faut barrer à gauche ou à droite, mais, en tout cas, il faut donner un coup de barre. Monsieur le président Gaymard, en lançant, au mois de février 2005, avec M. Devedjian, une table ronde sur les électro-intensifs qui a abouti au consortium Exeltium, vous étiez en avance sur votre temps. Les industriels électro-intensifs vous en seront éternellement reconnaissants.

De la même manière que, selon le célèbre footballeur anglais Gary Lineker, « le football se joue à onze et, à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent », sur le marché de l'électricité, le jeu se joue à vingt-huit et, à la fin, ce sont aussi les Allemands qui gagnent ! Certains intervenants ont indiqué ici que les Allemands subventionnent leur industrie sans que Bruxelles siffle les « hors-jeu ». Or les quatre mesures qu'ils ont mises en oeuvre sont conformes à la réglementation européenne.

D'abord, ils utilisent la compensation carbone, prévue par une directive négociée sous la présidence française, avec M. Borloo, et qui permet à chaque État membre de donner une compensation du CO2 qui se trouve dans le prix de l'électricité. Les Allemands appliquent cette mesure, comme les Norvégiens et les Grecs, alors que les Français ont fait le choix de consacrer les enchères du CO2 à l'amélioration de l'habitat. Ce n'est donc pas là une subvention, mais l'application d'une directive européenne.

Ensuite, ils ont mis en place, dans le cadre de l'Erneuerbare-Energien-Gesetz (EEG), l'équivalent de la CSPE. Là encore, une négociation a eu lieu entre la Commission, Sigmar Gabriel, Angela Merkel et Thierry Repentin. L'Allemagne applique les règles directrices qui ont été définies par Bruxelles le 9 avril dernier, pas plus pas moins. Pour notre part, nous demandons seulement que ces lignes directrices soient appliquées à nos industries.

Les Allemands ont également joué sur la rémunération de l'effacement. En France, c'est la Bérézina : sa valorisation a baissé de 70 % au cours des trois dernières années et, aujourd'hui, elle ne rapporte rien. Pour l'entreprise Aluminium Dunkerque, il représente 0,15 euro par mégawattheure contre 1,5 euro pour le transport, soit un rapport de un à dix. Laissez donc tomber la piste de l'effacement. Polarisez-vous sur le transport qui rapporte plus ! L'Allemagne, elle, a décidé d'accorder beaucoup de mégawatts à l'effacement. Alors que la France est responsable de 50 % du gradian thermosensible de l'Europe, c'est elle qui rémunère le moins les effacements en Europe. On marche sur la tête !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion