Intervention de Jean-Paul Ortiz

Réunion du 17 décembre 2014 à 10h00
Délégation aux outre-mer

Jean-Paul Ortiz :

J'en arrive à votre question sur les conventionnements limités aux zones sous-représentées en termes de densité médicale.

Le conventionnement sélectif fait partie des mesures coercitives. On sait que cela ne marche pas, car si vous faites du conventionnement sélectif dans les zones dites « sous-denses », les médecins ne s'installeront pas. Dans la dernière période – j'espère que nous allons arriver à faire évoluer ces chiffres –, l'âge moyen de l'installation approchait les quarante ans. Les médecins sortant en général de la faculté vers l'âge de trente ans, cela signifie qu'ils mettent dix ans à s'installer. Ils font des remplacements, hésitent, font un peu de médecine salariée à l'hôpital ; cela ne leur plaît pas trop, ils vont ailleurs. Que voulez-vous, nous vivons dans la civilisation du zapping… Si, en plus, vous mettez en place des mesures coercitives pour les contraindre à s'installer dans un endroit donné, ils ne s'installeront pas du tout.

Quant à l'article 12, qui concerne le service territorial de santé au public, c'est une belle invention bureaucratique et technocratique. Tuez-moi ce machin ! Quel est le concept tel qu'il est écrit, même si la ministre s'en défend ? L'ARS met en oeuvre le service territorial de santé au public en y intégrant un certain nombre d'éléments, tels que l'organisation de la permanence des soins, les thèmes prioritaires du projet régional de santé etc. C'est l'organisation bureaucratique par l'ARS de la médecine de proximité, c'est-à-dire de la médecine générale et de la médecine spécialisée de proximité, en la centrant sur l'hôpital public, qui participe obligatoirement au service territorial de santé au public. Autrement dit, c'est un mécanisme descendant, de l'ARS vers la proximité, bureaucratique et hospitalo-centré. Je l'ai dit maintes fois à la ministre : il faut faire exactement l'inverse, c'est-à-dire travailler sur un mécanisme ascendant, facultatif, non hospitalo-centré et accompagné par les ARS. C'est ce que j'ai appelé les contrats territoriaux d'initiative libérale.

L'objectif, c'est d'améliorer la prise en charge de la population par les organisations de proximité. Mais les professionnels de santé en général, et particulièrement les médecins, n'ont pas attendu qu'un texte de loi ou une ARS vienne leur expliquer comment travailler et comment se coordonner pour prendre en charge tel ou tel problème de santé publique. Ils le font déjà dans beaucoup d'endroits, sous des formes diverses et variées. Ils se rencontrent, discutent entre eux d'une thématique – prise en charge des plaies chroniques avec les infirmières dans le secteur concerné, suivi des diabétiques de type 2 à domicile, etc.

Sur le terrain, de nombreux professionnels se sont déjà organisés et prennent en charge la population. Nous n'avons pas attendu que l'ARS organise la permanence des soins, qui fonctionne bien dans notre pays. Les médecins, à l'échelle d'un, deux ou trois cantons, dans ce que l'on appelle un secteur de garde, se réunissent deux, trois ou quatre fois par an, suivant un rythme qu'ils déterminent entre eux, organisent eux-mêmes la permanence des soins et transmettent le tableau de gardes au Conseil de l'ordre. Nous n'avons pas eu besoin d'organiser un service territorial de santé au public pour le faire. Pourquoi diable complexifier quelque chose qui marche ? Il faut faire l'inverse, c'est-à-dire discuter avec les professionnels des thèmes sur lesquels ils ont commencé à travailler entre eux, la façon de s'organiser, la partie du territoire à couvrir – un ou plusieurs cantons, un demi-département. Il faut se demander comment on peut les accompagner pour favoriser les échanges entre professionnels de santé, médecins, infirmières, pharmaciens, kinés, etc., afin de maintenir les populations à domicile. Il faut partir de cette richesse, en la faisant remonter, pas l'inverse.

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