Intervention de Jean-Paul Ortiz

Réunion du 17 décembre 2014 à 10h00
Délégation aux outre-mer

Jean-Paul Ortiz :

Vous posez le problème des médecins à diplôme étranger, qui n'est pas spécifique aux DOM. C'est un problème qui nous interpelle dans notre République.

Aujourd'hui, la première année de médecine est commune avec la première année de pharmacie, de sage-femme et de kiné, avec un concours très sélectif à la fin de l'année, des taux de réussite très faibles pour les étudiants en médecine – 12, 15 ou 18 % pour certaines facultés suivant la localisation géographique – et d'excellents résultats pour le dernier reçu. Cette année, le dernier reçu à Montpellier avait 14,86 de moyenne. Il y a donc un nombre important de jeunes métropolitains ou originaires des DOM qui ne réussissent pas le concours de la première année de médecine, tout en ayant de bons résultats : échouer à 14,85, ce n'est pas être un mauvais étudiant…

Aujourd'hui, dans notre République, on est confronté à une inégalité insupportable. Je suis moi-même issu d'un milieu défavorisé. J'ai pu prendre l'ascenseur social et j'en suis fier. Mais aujourd'hui, c'est devenu impossible. Quand vous avez 14,85 de moyenne à Montpellier et que vous êtes collé au concours de médecine, il y a deux solutions : si vous êtes issu d'un milieu défavorisé, vous faites autre chose ; si vous êtes issu d'un milieu favorisé, vos parents se renseignent, ils vous envoient à Cluj, en Roumanie, paient 6 000 euros d'inscription à l'année, le voyage et l'hébergement. Vous faites vos études de médecine à Cluj et vous revenez avec votre diplôme, qui sera validé. Vous n'avez plus qu'à vous installer en France en tant que médecin. Voilà la réalité !

On va me dire que c'est l'Europe et que les diplômes sont équivalents. C'est vrai, mais il y a tout de même un vrai problème, qu'on n'aborde jamais. Entendons-nous bien : mes propos ne visent pas les médecins étrangers, mais les médecins à diplôme étranger, parmi lesquels vous avez effectivement des étrangers, mais aussi des Français issus des classes sociales les plus favorisées. Vous trouvez cela normal ? Personne ne dit rien, alors qu'ils représentent 25 à 30 % des nouveaux inscrits au Conseil national de l'Ordre des médecins. Cela n'a rien de marginal ! La moyenne des quatre dernières années tourne autour de 25 % de nouveaux inscrits au Conseil national de l'Ordre avec un diplôme délivré par une faculté non française – la moitié venant de facultés européennes, l'autre moitié de facultés extra-européennes.

J'entends les difficultés de la démographie médicale ; mais les déserts médicaux, ce sont des déserts tout court. Quand l'État a fermé la poste, la gare, le collège, que le médecin s'en va et qu'il ne trouve personne pour le remplacer, on crie au désert médical. N'allez pas demander à la médecine libérale de faire de l'aménagement du territoire ! Que l'État prenne ses responsabilités, qu'il accompagne les mouvements ! Cela étant, nous ne sommes plus à l'âge des chars à boeufs et des déplacements à cheval. Les gens peuvent faire dix, quinze ou vingt kilomètres et quand on fait des enquêtes sur le terrain, ils disent qu'ils y sont prêts. Une demi-heure de trajet, cela ne mène pas bien loin en région parisienne, mais dans un territoire rural, y compris à La Réunion, même si les routes ne sont pas toujours très bonnes, cela fait des kilomètres. On n'est pas obligé d'avoir un médecin dans chaque petit village. Il faut que les élus se rendent compte de cette réalité. On va regrouper les médecins, qui vont couvrir de gros bourgs, des populations de plusieurs milliers d'habitants. Et les gens se déplaceront.

Vous me parlez des médecins de proximité. Je n'ai rien contre les médecins de Madagascar. Mais je suis sûr que vous avez, à La Réunion, des jeunes de valeur qui ont fait une première année de médecine et qui ont été collés avec 14 de moyenne. S'ils voient qu'on ouvre largement la porte à des médecins de Madagascar qui sont allés se former dans d'autres pays européens où les mécanismes sont moins sélectifs, ils seront mécontents, à juste titre, et ils vous le reprocheront.

Au lieu de poser les vrais problèmes, on contourne les difficultés, sous des prétextes divers et variés – de crainte, par exemple, d'être taxé de raciste. Pour ma part, je suis très clair : je ne parle pas des médecins étrangers, mais des médecins à diplôme étranger.

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