Intervention de Roger-Gérard Schwartzenberg

Séance en hémicycle du 13 janvier 2015 à 15h00
Hommage aux victimes des attentats

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoger-Gérard Schwartzenberg :

Au nom de mon groupe, je m’incline avec émotion, avec respect, devant la mémoire des dix-sept victimes du fanatisme, tuées la semaine dernière.

Ils étaient journalistes, policiers ou clients d’une supérette casher. Tous exposés. Tous ciblés par la violence terroriste.

Des stylos et des crayons : c’étaient les seules armes des journalistes de Charlie Hebdo ; leurs seules armes, pacifiques, contre l’intégrisme et ses menaces de mort.

Puis, le 7 janvier, soudain, sur le papier à dessin, l’encre se tache de sang.

Charb, Cabu, Wolinski et leurs confrères étaient des sentinelles de la vérité. Avec Zola dans L’Aurore, avec Jaurès dans L’Humanité, la presse a souvent été en première ligne du combat pour la liberté. La liberté d’écrire, d’informer, d’échanger. « La libre communication des pensées et des opinions », selon les termes mêmes de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

Le fanatisme peut toujours tuer. Il ne parviendra jamais à anéantir la liberté de la presse. D’autres journalistes prendront la relève et la parole à leur tour, pour dire leur conviction, leur vérité.

Contre l’intégrisme, le meilleur rempart, c’est évidemment la laïcité. Sans elle, la France pourrait devenir une République éclatée, une nation fragmentée en groupes distincts, fondés sur l’origine ou l’appartenance confessionnelle.

Le communautarisme sépare, retranche, fait perdre conscience d’un destin commun. Il est donc un risque majeur pour la démocratie.

La laïcité, quant à elle, celle des Radicaux comme Jean Zay, respecte toutes les croyances mais sépare religion et vie publique. Elle permet à tous de vivre ensemble par-delà leurs différences.

C’est ce que fait l’école de la République en accueillant sur les mêmes bancs tous les élèves, quelles que soient leur condition, leur conviction, leur confession, qu’ils s’appellent Jean, Yohann ou Rachid.

Les Français ont réagi avec infiniment d’esprit de fraternité en se mobilisant d’eux-mêmes, spontanément, pour dénoncer ces attentats. Une nation entière s’est dressée pour résister, pour refuser l’inacceptable. Elle l’a fait avec dignité, avec noblesse. Cet immense élan populaire montre la volonté de s’unir quand l’essentiel est enjeu.

Dans les circonstances présentes, le temps n’est plus aux divergences secondaires. Il est au rassemblement autour des grandes valeurs républicaines.

Les pouvoirs publics – et je tiens à leur rendre hommage – ont fait preuve d’une grande détermination, d’une action très résolue face à ces attentats. Mais, certes, le danger persiste.

D’où sans doute – sans qu’il s’agisse bien sûr de mesures d’exception – des décisions nécessaires à prendre : publier les décrets d’application de la récente loi sur le terrorisme de novembre 2014 ; renforcer les moyens matériels des forces de sécurité et du renseignement ; réformer les conditions carcérales des détenus les plus extrémistes ; empêcher la diffusion sur internet de messages faisant l’apologie des actes terroristes.

À l’opposé, une autre mesure, très différente, serait souhaitable : augmenter sensiblement les aides publiques à la presse écrite et spécialement à la presse d’opinion dont il faut évidemment considérer que Charlie Hebdo fait partie.

Mes chers collègues, la démocratie a une force considérable quand elle incarne une vaillance tranquille.

Ici même, en 1893, alors qu’une bombe venait d’être lancée dans l’hémicycle, le président de l’Assemblée, Charles Dupuy, avait déclaré : « Il est de la dignité de la Chambre et de la République que de pareils attentats ne troublent pas les législateurs… Messieurs, la séance continue. »

Aujourd’hui, une fois encore, en ce mois de janvier si particulier, si étrange, la démocratie continue.

1 commentaire :

Le 14/01/2015 à 09:06, laïc a dit :

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"Le communautarisme sépare, retranche, fait perdre conscience d’un destin commun. Il est donc un risque majeur pour la démocratie."

Et c'est pourquoi la séparation des menus n'a plus lieu d'être dans les cantines de la République. Un seul menu pour tous, voilà ce qu'est l'intégration, voilà ce qu'est la lutte contre la séparation et l'exclusion, voilà la lutte pour la liberté de conscience et pour la laïcité.

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