Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame et monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, ce vote sur la poursuite de l’intervention française en Irak a lieu alors que notre pays vient d’être attaqué par des criminels fanatiques dont le profil est similaire à ceux qui sévissent en Irak et en Syrie. Ici comme là-bas, la question des modalités de notre réponse à la barbarie se pose.
Notre réaction doit-elle se résumer à une logique sécuritaire et guerrière ? Telle n’est pas la conviction des députés du Front de gauche. Que veulent en effet les terroristes, si ce n’est toujours plus de violence, le carburant de leur propagande et de leur machine de haine ? Toute l’histoire des vingt dernières années en Irak, en Afghanistan et en Libye le démontre : les interventions militaires occidentales directes ont toutes eu pour résultat de renforcer les groupes armés islamistes. La stratégie de guerre au terrorisme se solde par un échec patent, produisant même les effets inverses de ceux recherchés.
Qu’en est-il de cette intervention ? Quatre mois après le début des bombardements, le peuple irakien continue de souffrir et les États-Unis ont décidé d’envoyer plus de 3 000 conseillers militaires supplémentaires. Les violences en Irak ont coûté la vie à plus de 15 000 personnes l’année dernière, soit deux fois plus qu’en 2013.
Le bilan est encore plus lourd en Syrie, du fait de la guerre civile. Avec plus de 76 000 morts en 2014, ce pays vient de connaître son année la plus meurtrière.
Derrière ces chiffres, il y a des atrocités, des sociétés meurtries, des peuples déchirés. Il est temps de réfléchir au sens et à l’efficacité de notre intervention militaire, conduite sous l’égide des États-Unis.
D’un côté, l’avancée de l’État islamique en Irak a été freinée par les frappes aériennes de la coalition, par l’action des forces kurdes et irakiennes, avec le soutien indispensable de la coalition, ainsi que de milices chiites et des pasdarans iraniens.
De l’autre, la coalition est impuissante sur le front diplomatique. L’action militaire n’a pas permis d’éliminer les capacités offensives de l’État islamique. Cette secte barbare – car il ne s’agit pas d’un État – reconstitue ses troupes et pratique la guérilla. Sa stratégie consistant à se mêler aux civils rend difficile la poursuite des bombardements. Ces islamistes tiennent toujours Mossoul ainsi que des pans entiers du pays, où ils font régner la terreur. Les civils en paient le prix fort, en particulier les minorités kurde, chrétienne et yézidie. Personne n’échappe à cet enfer, pas même les musulmans, qui essaient de fuir la folie meurtrière de Daech.
Face à ces forces obscures, l’inaction ne peut être de mise. Cependant, il est aussi de notre responsabilité de réaffirmer les principes du droit international face à la décision de l’exécutif d’engager la France sous un commandement américain et sous la tutelle de l’OTAN.
Faute d’avoir été informée par le Gouvernement, c’est par la presse que la représentation nationale a appris la décision de déployer un groupe aéronaval dans la région du Golfe persique, où le porte-avions Charles-de-Gaulle doit se positionner. Nous le répétons : la France doit retrouver une voix indépendante face à l’OTAN et aux États-Unis, dont nous ne partageons ni la vision du monde, ni les intérêts.