Avant-hier, le monde entier avait les yeux rivés sur notre pays, la France des Lumières, qui a toujours su dire non à tous les obscurantismes ; celle du chevalier de La Barre, exécuté en 1766 pour blasphème ; la France de la liberté d’expression et de conscience, la France de la démocratie et des droits de l’homme. Le monde entier a rendu hommage aux journalistes deCharlie Hebdo, aux policiers abattus et aux citoyens tombés sous les balles des terroristes, dont certains parce qu’ils étaient juifs. Ne les oublions pas ! Ne les oublions jamais !
Alors que nous avons, trop longtemps et trop naïvement, cru pouvoir cantonner la menace terroriste loin de nos frontières, nous prenons enfin conscience que le mal est aussi en train de nous gangrener de l’intérieur. Nous devons dès à présent tout faire pour que les événements tragiques que nous avons vécus sur notre sol, ne se reproduisent pas en France, et nulle part ailleurs.
Rappelons-nous que, alors que la France pleurait ses dix-sept victimes, trente-huit Yéménites mouraient dans un attentat à la voiture piégée à Sanaa. N’oublions pas non plus les deux journalistes tunisiens exécutés en Libye, ni les deux mille personnes sauvagement assassinées que pleure le Nigeria, victimes de la folie destructrice et barbare de Boko Haram.
Revenons à la menace permanente que fait peser Daech en Irak et en Syrie, qui reste la plus significative et nécessite à ce titre un engagement déterminé et exemplaire de notre part. Ne nous y trompons pas en effet : ces « califoutraques » islamistes entendent annihiler notre vision universaliste et humaniste ;leurs agissements visent à soumettre le monde à leur vision obscurantiste et rétrograde de la société. Frapper uniquement la tête de l’hydre Daech en Irak, c’est oublier que c’est en Syrie qu’il puise ses ressources humaines et logistiques et que des puissances régionales l’ont soutenu financièrement.
Comme l’exemple libyen nous le rappelle, les seules frappes aériennes ne sauraient suffire à éradiquer Daech, qui, comme Al-Qaïda, fait des émules au sein de la nébuleuse djihado-terroriste en exploitant le terreau de la pauvreté et de l’ignorance, qu’il faut combattre avec tout autant d’ardeur et de fermeté. D’où une légitime interrogation que nous devons formuler clairement : celle de la réalité d’une menace du même ordre, pour nous tout aussi préoccupante, si ce n’est plus, dans la zone saharo-sahélienne.
Il ne faut pas oublier que, comme les crises malienne et centrafricaine, la situation irakienne se nourrit également d’interactions avec son voisinage et les grands conflits de la région. Des massacres et des exactions contre la population civile sont perpétrés sans relâche par Daech. Les plus fragiles en sont les victimes quotidiennes : femmes violées, enfants asservis, personnes âgées maltraitées. Les communautés yézidie et kurde sont persécutées, les chrétiens d’Orient martyrisés.
La France ne pouvait pas rester silencieuse face à cette barbarie. Lorsque les fondements de l’humanisme sont attaqués et que la France est appelée à l’aide, elle se doit de réagir. Les actions terroristes de ces derniers jours nous confirment que nous devons être plus que jamais intransigeants et déterminés en Irak, mais aussi en Syrie, au Sahel, en Libye, et même sur notre propre sol. En effet, nous savons que 1 200 à 1 400 Françaises et Français ont rejoint le djihad, certains venant même de départements ruraux tel que le Tarn. La menace étant globale, notre réponse doit être globale.
Le Groupe UDI le répète inlassablement : face à des adversaires déterminés dans leurs convictions, fussent-elles outrageusement erronées, dénaturant la réalité de l’Islam, il est urgent de construire une défense commune, collective et solidaire entre Européens conscients de leur communauté de destin. C’est notamment parce que cette dernière se forge dans les moments difficiles que nous devons oeuvrer pour une Europe de la sécurité et de la défense, qui sache passer à l’offensive sans hésitation quand les fondements universels de nos sociétés sont attaqués, comme ils l’ont été la semaine dernière. La gravité et l’ampleur de la situation nous imposent de rechercher les conditions d’une mobilisation européenne et internationale, tant sur le plan humanitaire qu’au niveau du soutien militaire.
Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi l’a du reste parfaitement exprimé, à l’occasion de sa visite officielle à Paris en novembre dernier : puissance régionale, l’Égypte est prête à agir de concert avec ses partenaires de la Ligue arabe comme de l’Union européenne.
Outre la Russie, la Turquie et les monarchies du Golfe, elles aussi concernées par ce conflit, il ne faut pas oublier l’Iran. Ce pays doit revenir dans le jeu politique et diplomatique de la région.
La France a une vocation universelle mais elle n’est plus une puissance universelle. Elle n’a pas les moyens de compenser seule l’impuissance internationale. En revanche, elle a, encore et toujours, vocation à susciter l’élan collectif des nations du monde.
Le grand dessein d’un grand pays comme le nôtre reste d’être partie prenante de la décision, mais aussi de donner du temps et de la profondeur à sa politique étrangère, qui doit retrouver des inspirations gaulliennes, et non être tributaire de la tyrannie de l’émotion.