Merci beaucoup à Michel Winock pour son exposé limpide et terriblement simple dans la présentation des difficultés que ma génération aura à résoudre pour reconstruire l'idée même de République.
Vous terminez sur la question de savoir quel est le lien entre les principes républicains et les institutions. Ce lien me paraît le plus direct qui soit, et je suis convaincue que les institutions sont l'une des clefs pour faire revivre ces principes. Or on observe depuis quelques années un mécanisme de désinstitutionalisation : aux yeux de la collectivité, l'efficacité, l'utilité des institutions disparaît. Aussi les institutions, pour nos concitoyens, ne représentent-elles plus une référence.
Ce phénomène peut s'expliquer parce que les institutions n'influent plus sur le cours des choses. Pour ce qui concerne les principes rappelés par M. Winock – progrès, égalité, patriotisme, laïcité… –, les institutions, notamment celles de la Ve République, ne dirigent plus le courant mais l'accompagnent. Je prendrai l'exemple de la laïcité : ici, il n'est même plus question d'accompagner le courant, mais de le subir ; ainsi, même des élus qui se disent très attachés à la laïcité se rendent ès qualités à des cérémonies religieuses.
Avant d'être élue, j'ai recensé les lois adoptées entre 1789 et 1792. J'en suis restée stupéfaite : on a tout changé en trois ans, tout – les droits de la personne, le droit du commerce, le système de mesures… En trois ans, nos grands anciens ont réécrit l'intégralité des règles de vie en commun, règles qui, pour certaines, sont toujours en vigueur. Comment donc expliquer qu'en trois ans on se soit montré capable de refonder les règles de vie en commun et donc d'infléchir le courant, alors que la jeune députée que je suis a l'impression que, pendant les deux années et demie qui viennent de s'écouler, on a eu quelque difficulté à ne serait-ce qu'analyser la vitesse du courant qui nous emporte ?
Enfin, je suis passée par une école très républicaine, née au moment de la constitution de la République, et dont la devise est « Pour la patrie, les sciences et la gloire ». J'y réfléchis depuis vingt ans ; or vous n'avez pas évoqué l'image que la France a d'elle-même. L'idée de gloire nous invite à aller bien au-delà de la société telle qu'on la « gère » actuellement. Cette idée ne devrait-elle pas faire corps avec ces institutions vers lesquelles nous devrions tendre, et qui se situent largement au-dessus de nos têtes quand celles d'aujourd'hui se trouveraient plutôt sous nos pieds ?