Il y a, dans les hypothèses de travail qui nous ont été proposées, un paradoxe assez déprimant qui consiste à faire le constat d'une crise à dimension multiple – crise sociale, crise de l'école, crise territoriale – contre laquelle le seul remède que nous pourrions nous autoriser serait celui d'une réforme limitée à nos seules institutions, au sens strict du terme, alors même que ces institutions sont devenues parfaitement étrangères à nos concitoyens.
J'y opposerai, pour ma part, une forme d'optimisme, confortée par certaines interventions de ce matin – celle de Bernard Thibault notamment, qui nous a proposé une approche plus élargie des institutions – et qui s'appuie surtout sur la conviction que nous disposons d'un véritable atout, celui d'un État fort. Sans État, en effet, il n'y a pas de droit, et c'est l'existence même de l'État qui garantit les droits des citoyens.
Cela étant, sans doute avons-nous à redéfinir le champ du politique, puisque le constat a été posé que les responsables politiques avaient perdu prise sur le réel. Il me semble qu'il leur incombe avant tout, pour remédier à cette situation, de prendre en charge l'explication du réel, de rendre simple – et non simpliste – la complexité du monde. Si l'on veut que les citoyens se rapprochent des institutions et participent à l'édification de leur propre avenir, ils doivent être des citoyens éclairés.
C'est la responsabilité des politiques et cela nécessite de leur part de la vertu, au sens non seulement de probité, mais également de tempérance et de frugalité. En d'autres termes, les interventions des politiques doivent être rares et pertinentes. Alain-Gérard Slama a raison de souligner que la modification incessante des règles, au motif qu'elles ne produisent pas d'emblée les résultats escomptés, aboutit à brouiller la perception qu'ont les citoyens de réformes mises en oeuvre sans évaluation préalable.
La tempérance et la frugalité des politiques doit également s'appliquer à leur parole. On n'est jamais obligé de twitter ni de se rendre sur les plateaux de BFM TV ou d'i-Télé. La tâche est certes rendue difficile par l'évolution des médias, mais, à trop multiplier leurs interventions publiques, les responsables politiques finissent par vendre du pâté de cheval et d'alouette : l'information n'est plus hiérarchisée, seul prime le « buzz » ; or le « buzz » n'est ni un projet ni une promesse de changement.