Intervention de Philippe Folliot

Séance en hémicycle du 14 janvier 2015 à 21h30
Débat sur la politique maritime de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mer, magnifiée par nombre d’artistes et d’écrivains, a toujours fasciné. Si le groupe UDI a souhaité que ce débat ait lieu, c’est parce que cet enjeu est essentiel pour l’avenir, non seulement de notre pays, mais aussi de l’humanité tout entière. L’humanité ne pourra relever trois des principaux défis qu’elle aura à affronter au XXIe siècle que par une exploitation raisonnable et raisonnée des ressources des mers et des océans.

Il s’agit tout d’abord du défi de l’alimentation. Notre planète compte sept milliards d’êtres humains ; à l’horizon 2050, nous serons peut-être neuf, dix, onze milliards, voire plus ! Nous le savons tous, la superficie des terres cultivables est par définition limitée : pour nourrir la population mondiale, il faudra donc aller chercher une plus grande quantité de ressources alimentaires – notamment des protéines – dans les mers et les océans.

Sous ce rapport, nous en sommes encore à la préhistoire. Comme mode de subsistance en effet, la pêche telle qu’elle se pratique aujourd’hui, c’est la cueillette des ressources marines. L’humanité devra relever le défi d’une exploitation raisonnable et raisonnée de ces ressources. Je pense bien sûr à l’aquaculture, mais aussi à l’intensification de l’exploitation d’espèces naturelles telles que les algues : la France consomme 17 tonnes d’algues par an, contre plus de 2 000 tonnes en Chine !

De nombreuses possibilités s’offrent à nous pour développer l’exploitation des ressources des mers. Chacun doit être conscient, par exemple, que la pharmacopée de l’avenir se trouve dans les mers et les océans, qui renferment 90 % des espèces inconnues, notamment les zooplanctons et les phytoplanctons.

L’opération Tara, financée par des mécènes français, est exemplaire à cet égard, en ce qu’elle révèle combien notre connaissance des grandes profondeurs est limitée. Certains chiffres laissent rêveurs : 400 hommes ont gravi l’Everest ; plusieurs dizaines sont allés dans l’espace ; douze ont marché sur la Lune ; seuls deux sont descendus jusqu’au point le plus profond des océans, dans la fosse des Mariannes, 11 000 mètres au-dessous du niveau de la mer. Au temps des grandes découvertes, on parlait de terra incognita. Aujourd’hui, c’est de mare incognitum qu’il faudrait parler : excepté l’espace, le grand domaine qu’il nous reste à explorer, ce sont les mers et les océans. C’est un enjeu majeur, au même titre que l’énergie.

L’énergie représente en effet un deuxième défi pour l’humanité. La mer est un gisement exceptionnel, voire inépuisable, d’énergies renouvelables. Relever ce défi impose de prendre la mesure de certaines réalités. Aujourd’hui, plus de la moitié du pétrole utilisé dans le monde provient de sources off shore – sans parler des ressources minières que sont les nodules polymétalliques.

L’accès à l’eau est le troisième enjeu fondamental pour l’humanité. Il faut savoir que 41 des 70 métropoles de plus d’un million d’habitants situées sur le littoral souffrent de problèmes d’accès à l’eau. A cet égard, la désalinisation de l’eau de mer sera essentielle pour garantir à l’humanité l’accès à cette ressource.

Le grand paradoxe, monsieur le secrétaire d’État, c’est que notre pays croit être une puissance européenne et continentale alors qu’il est en réalité une puissance mondiale et maritime. La France souffre d’un mal particulièrement profond : le « métropolicentrisme », qui est une forme de négation de l’outre-mer, soit une négation de la réalité même de notre pays, dont le domaine maritime s’étend sur 12 millions de kilomètres carrés – ce qui en fait le deuxième au monde, derrière le domaine maritime des États-Unis. Notre zone économique exclusive s’étend sur les trois océans et nous sommes présents sur quatre des cinq continents. J’ai coutume de dire que si l’on additionne les zones terrestres et maritimes sur lesquelles s’exerce la souveraineté française, notre pays est plus étendu que la Chine ! Il faut prendre conscience de cet atout majeur pour l’avenir.

Ce qui nous manque, c’est une grande politique visant à valoriser nos atouts. Certes, la France a des points forts, et vous les avez rappelés, monsieur le secrétaire d’État. On sait qu’aujourd’hui l’économie maritime pèse plus que la production automobile en France, et pourtant ces sujets ne feront jamais l’ouverture du journal de vingt heures.

Il faut avoir conscience qu’une vraie politique maritime nécessite des objectifs et des investissements de long terme. Il y a certes des enjeux spécifiques, qu’il s’agisse du développement de l’hinterland – Jean-Christophe Fromantin développera ce point tout à l’heure –ou de l’outre-mer, sur lequel Philippe Gomes reviendra. Mais ce qui manque à notre pays, c’est une stratégie inspirée par un souffle gaullien !

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