Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’océan est porteur d’enjeux de croissance et de défis majeurs dans nos territoires ultramarins en général, et dans notre outre-mer du Pacifique sud en particulier.
Composé de trois collectivités – Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et la Polynésie française – il se caractérise par l’étroitesse des espaces terrestres et l’immensité des domaines maritimes. Rappelons que la partie émergée de la Nouvelle-Calédonie équivaut à la surface d’une région moyenne de l’Hexagone comme la Picardie, alors que son domaine maritime couvre une superficie supérieure à la moitié de la Méditerranée. Les îles Wallis couvrent à elles trois la moitié de la surface de l’île d’Oléron. En revanche, leur domaine maritime s’étend sur une surface équivalente à la moitié de l’Espagne. Enfin la Polynésie française et ses 118 îlots représentent en terres émergées l’équivalent d’un petit département métropolitain comme les Alpes-Maritimes, alors que son domaine maritime s’étend sur une surface équivalente à celle de l’Union européenne.
Certes, les trois collectivités dont je viens de parler présentent des handicaps indéniables : éloignement, double insularité, faiblesse de la population et étroitesse du marché. Considérons cependant qu’elles conjuguent par ailleurs des atouts extrêmement précieux et rares : des espaces, de la biodiversité, de la géodiversité, ainsi que des ressources énergétiques.
S’agissant des espaces, les quelques chiffres avancés sont éloquents puisqu’au total les domaines maritimes de ces trois collectivités couvrent 6,4 millions de kilomètres carrés. Cela représente 1,5 fois la superficie de l’Union européenne, sans compter les possibilités d’extension juridique du plateau continental, qui porteraient ce chiffre à près de 7 millions de kilomètres carrés.
Ces espaces valent aussi par leur qualité. Les parties remarquables des récifs de Nouvelle-Calédonie, qui s’étendent sur 15 000 kilomètres carrés, ont été inscrites au patrimoine mondial de l’humanité en 2008, et une étude est en cours pour l’inscription des îles Marquises en Polynésie française.
Quant à la biodiversité, un exemple suffira pour attester de son importance : le lagon et le grand récif de Nouvelle-Calédonie compte autant d’espèces que toute la Méditerranée.
Il en va de même de la géodiversité. La Nouvelle-Calédonie, fait quasiment unique au monde, est l’un des pointements émergés, avec Norfolk, en Australie, et la Nouvelle-Zélande au sud, d’un continent englouti, Zealandia, vestige du supercontinent primitif Gondwana. La Polynésie française présente d’autres traits remarquables, tels que de nombreux monts sous-marins, sièges d’encroûtements de manganèse et de cobalt, des plaines abyssales immenses ou encore des points chauds volcaniques du type hawaïen actif.
Cet outre-mer est riche de ressources énergétiques douces. Si le développement technologique ne permet pas encore de les exploiter tous, force est de constater que ces trois collectivités d’outre-mer possèdent des avantages certains – le soleil, le vent, des régimes de houle stables, du courant dans certaines passes, récifs et lagons, et surtout des eaux profondes à proximité des côtes, facteur favorable à l’utilisation d’une des très rares énergies, avec la géothermie, fondées sur les différences de température entre surface et fond qui soit renouvelable, continue et inépuisable : l’énergie thermique des mers.
Au plan national, parmi les sept ambitions posées par les analyses prospectives de la commission « Innovation », deux s’appliquent totalement à nos trois collectivités : l’ambition no 3, qui concerne les ressources minérales marines, pour lesquelles tout reste à faire en matière d’exploration, de mise au point de technologies d’exploitation comme de réduction des impacts sur les milieux naturels ; l’ambition no 4, relative à la chimie du végétal, qui vise à exploiter de façon douce le capital naturel que représentent ces immenses bassins de biodiversité et les solutions que la nature a su développer pour s’adapter à des conditions variées et fabriquer des biomolécules utiles à l’avenir de l’homme.
Au plan supranational, dix des onze axes prioritaires que compte le plan « croissance bleue » de l’Union européenne sont des opportunités objectives pour nos trois collectivités.
Dans le cadre des activités matures facteurs de croissance, cinq axes majeurs sont susceptibles de concerner nos collectivités : trafic maritime et ports, industrie de croisière, tourisme côtier, culture marine et protection des côtes.
En ce qui concerne les activités émergentes créatrices d’emploi, trois axes sont également susceptibles d’être retenus : la surveillance des espaces maritimes, les biotechnologies et la chimie du vivant et les énergies renouvelables.
Enfin, en ce qui concerne les activités en prédéveloppement à fort potentiel, deux axes, l’exploration et l’exploitation de pétrole et de gaz, concernent la Nouvelle-Calédonie, dotée de bassins sédimentaires en épaisseur de sédiments importants et caractérisés par des structures de piégeage potentiel. Même s’il s’agit de ressources fossiles, ce sont des ressources potentielles fortement créatrices d’activités dont la collectivité, très consommatrice d’énergie pour son industrie minière, pourrait tirer profit tout en encadrant strictement leur exploitation.
Enfin ces trois collectivités d’outre-mer sont dotées de ressources minérales profondes, Wallis-et-Futuna en premier lieu, avec l’hydrothermalisme et des dépôts sulfurés. Il y a aussi les nodules métalliques et les terres rares des sédiments profonds de la Polynésie française et les encroûtements sous les monts sous-marins en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, ainsi que, vraisemblablement, des dépôts sulfurés, similaires à ceux de Wallis-et-Futuna, dans la zone économique de Nouvelle-Calédonie.
Voilà, brièvement résumés, dans les cinq minutes qui me sont imparties, les potentiels immenses de la mer dans nos collectivités françaises du Pacifique.
« Les terres australes forment pour ainsi dire un monde à part. La découverte de ces terres pourrait offrir de grandes utilités pour le commerce et de merveilleux spectacles pour la physique. Il y a vraisemblablement entre le Japon et l’Amérique un grand nombre d’îles dont la découverte pourrait bien être importante. » Ces propos sont de 1752 ; il sont ceux de Pierre-Louis Moreau de Maupertuis, mathématicien, philosophe, qui a en outre jeté certaines des bases de la biologie moderne. A cette date, Futuna était connue, tout comme les Marquises, mais la Nouvelle-Calédonie, les îles Loyauté, Tahiti, la Société, l’essentiel des Tuamotu, les Australes, l’île de Wallis ne l’étaient pas. Il avait profondément raison de juger importants ces archipels qui le sont toujours, plus que jamais peut-être.