Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, « on ne fait rien quand on a la géographie contre soi. Or, en la circonstance, ce n’est pas seulement l’histoire que nous avons avec nous, c’est aussi la géographie. » Ces paroles étaient prononcées ici même, en 1946, par le député Aimé Césaire. Cette foi dans la grande France, au lendemain d’un conflit mondial qui l’avait mise à genoux, est une leçon pour tous les déclinologues qui veulent nous persuader que la France est un lopin de terre insignifiant. Quand nous apprenons à nos enfants que la France, c’est une superficie de 550 000 kilomètres carrés, à peine 1 % de la population mondiale et 0,4 % des terres émergées, qu’est-ce d’autre qu’un conditionnement des esprits à la « micro-France » ? Quoi de mieux pour convaincre nos futurs concitoyens que leur pays a besoin de se tourner vers Bruxelles, vers Berlin ou vers Washington pour assurer sa survie dans la mondialisation ?
La grande France n’a pas disparu dans la dilution de la mondialisation. Elle est là, présente, et bien présente ! Nation aux quatre continents, la France est frontalière avec vingt-sept États. Grâce aux DOM-COM, nous possédons onze millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, qui placent notre pays au rang de seconde puissance maritime mondiale. Ces données ne sont pas neutres : elles assignent à la France une mission vis-à-vis de son peuple des quatre continents, tout en exigeant des gouvernants visionnaires.
Voilà l’occasion d’évoquer ces DOM-COM trop souvent oubliés, qui sont pourtant la pierre angulaire d’un projet qui redonnera à notre pays un levier de puissance. Les départements d’outre-mer, loin de nos yeux, sont pourtant proches du coeur de notre histoire nationale. La Martinique, par exemple, est française depuis le règne de Louis XIII, bien avant Nice. Malheureusement, vous considérez ces 2,5 millions de Français ultramarins comme des assistés puisqu’aucun projet d’avenir ne leur est proposé ni assuré. Il est grand temps de renforcer la continuité territoriale entre la métropole et les DOM et de les réorganiser en grandes régions maritimes : la région d’Amérique, la région de l’océan Indien et celle de l’océan Pacifique.
Soixante-deux pour cent de la zone économique exclusive française se trouvent dans le Pacifique, grâce aux îles de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie. Or que fait le président de la France ? Il décide de rester neutre dans le débat sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, dont le référendum sur l’autodétermination est prévu en 2018. Voilà un capitaine qui navigue à contre-courant des intérêts français ! Plus que jamais, nous devons soutenir le programme d’extension du plateau continental, qui permettrait de gagner 400 000 kilomètres carrés de zone économique exclusive.
Si l’ONU validait notre requête, nous deviendrions dès lors la plus grande zone économique exclusive au monde. Les atouts y sont énormes : les deux tiers des ressources mondiales de nickel, lequel est de plus en plus convoité, sont concentrés dans le Pacifique. Les grandes puissances ont fait de cette zone leur terrain de jeu du nouveau siècle. La Chine est passée de 33 millions de dollars d’investissements en 2000 à 200 millions en 2013, alors que les États-Unis entendent y mener un projet de libre-échange transpacifique. Il est donc temps d’agir si nous voulons éviter le pillage de nos ressources maritimes. Beaucoup de pays l’ont compris et luttent pour étendre leur espace maritime.
La France doit aussi faire entendre sa voix dans l’Atlantique, dans le dossier de l’extension de son plateau continental à Saint-Pierre-et-Miquelon, potentiellement très riche en hydrocarbures. Nous ne pouvons pas laisser cette zone de l’Atlantique Nord dépérir depuis que, en 1992, l’ONU a considérablement réduit notre zone économique exclusive au détriment des activités de l’île française, véritable carrefour entre New York et le Groenland et point d’appui de la francophonie en Amérique du Nord.
La géopolitique mondiale du XXIe siècle se concentre sur la souveraineté maritime. Alors que nos dirigeants prônent le « tout-Europe », les autres nations oeuvrent à l’affirmation de leur souveraineté via l’horizon bleu marine.