Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Séance en hémicycle du 14 janvier 2015 à 21h30
Débat sur la politique maritime de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin :

… on peut légitimement s’inquiéter pour notre capacité à exploiter au mieux ces belles interfaces que sont nos grands ports maritimes. À l’heure où l’on parle beaucoup de la réindustrialisation de la France, il devrait pourtant constituer des atouts, d’autant que notre économie mondialisée se caractérise par une fragmentation croissante des chaînes de valeur. Pascal Lamy a souvent décrit ce phénomène : aujourd’hui, les produits que l’on consomme sont de plus en plus souvent fabriqués par plusieurs opérateurs dispersés dans le monde, avec pour conséquence une évolution du transport des conteneurs, marquée par une massification des flux. CMA CGM, l’un des leaders français du transport maritime, opère avec des porte-conteneurs de 18 000 boîtes, parmi les plus gros porte-conteneurs au monde. Aujourd’hui, une entreprise située au coeur de nos territoires doit s’inscrire dans cette chaîne de valeur et se résoudre à importer des biens intermédiaires pour réexporter un produit dans lequel elle aura injecté de la valeur ajoutée.

Dans ce contexte, la pertinence de nos stratégies industrielles dépend de notre capacité à faire de nos ports maritimes des éléments d’irrigation de l’ensemble des territoires français et de véritables portes d’entrée sur la mondialisation. Or il est difficile pour nos grands ports maritimes d’avoir une ambition pour leur hinterland, et je le mesure à chaque fois que je les visite au titre de mes responsabilités au sein de la commission du développement durable : les voies ferroviaires font défaut ; les routes n’innervent pas suffisamment le territoire pour assurer un déchargement rapide des conteneurs ; on ne construit pas les canaux qui seraient nécessaires.

On en arrive à cette situation aussi paradoxale qu’inquiétante : si les marchandises arrivent dans nos ports, ils n’en sortent pas pour autant. Il y a quelques années, cherchant à mesurer le coût de transport d’un conteneur de Hong Kong à Dijon, j’avais constaté que celui-ci arrivait plus vite à destination et pour un coût moindre en passant par Rotterdam plutôt que par Marseille. Si on examine la carte de France à l’aune de ces dynamiques, on se rend compte à quel point ce handicap s’aggrave, alors même que nos grands ports maritimes pourraient constituer autant de vecteurs pour tirer profit de la mondialisation.

Dans le rapport que j’avais consacré à ce sujet au nom de la commission, j’avais souligné le fait que tous les ports maritimes regrettaient la diminution des crédits alloués au dragage. Alors que les navires sont de plus en plus gros, les ports ont de plus en plus de difficulté à draguer leur entrée afin d’accueillir ces navires qui permettent la mutualisation du transport de conteneurs et partant contribuent à la compétitivité de notre économie. De 2009 à 2015, les crédits destinés aux investissements et à l’entretien des grands ports maritimes étaient passés de 53 à 48 millions d’euros, alors qu’il s’agit là de dépenses stratégiques pour notre compétitivité et notre industrie.

Lors de l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité, actuellement discuté en commission, je proposerai un amendement destiné à offrir de nouveaux moyens aux grands ports maritimes. Pourquoi ne pas aller dans certains cas jusqu’à ouvrir le capital des grands ports maritimes à des opérateurs extérieurs pour stimuler et jouer des effets de levier de ces investissements ? Si nous n’avons pas de grandes ambitions pour les grands ports maritimes, si nous ne nous ne leur donnons pas les moyens d’investir, nous prendrons le risque de nous faire déposséder de cet avantage comparatif. Il faut savoir que le développement du port de Rotterdam s’inscrit dans une véritable stratégie prospective, visant à le relier d’ici cinquante ans à l’ensemble de l’Europe !

Une route par l’Arctique s’ouvrira probablement dans quelques années. Dans ces conditions, les ports durange nord-européen seront très bien placés pour consolider une partie du fret maritime européen. Il est en conséquence particulièrement important, au regard de l’atout que constituent nos grands ports maritimes, de faire preuve d’ambition en matière d’aménagement du territoire.

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