L'IVG est l'acte de chirurgie ou de soins le plus fréquemment pratiqué sur les femmes. Cela signifie que lorsque l'on est gynécologue à l'hôpital, on est amené à en faire. Or, à l'heure actuelle, en Île-de-France, à certains endroits, il est difficile d'accéder à l'IVG. Une telle disposition protégerait les patientes.
Après la clause de conscience, j'en viens au recueil de la première demande. Dans la loi de 1975 revalidée en 2001, cette demande doit être faite auprès d'un médecin. Or dans le projet de loi relatif à la santé, à l'article 31, il est prévu d'ajouter, après le mot « médecin », les mots « ou une sage-femme ».
Que ce soit dans le chapitre consacré à l'exercice avancé des personnels paramédicaux, dans le chapitre relatif à l'autonomie des patients ou dans le chapitre portant sur la démocratie sanitaire, il me semble que l'on pourrait préciser que les infirmières des centres de planification et des centres de santé, ainsi que les personnels de certaines associations, comme les centres de planning familial ou les centres de santé associatifs, sont à même – dans la mesure, bien sûr, où ce sont des gens formés – de recueillir la première demande.
Que la première demande ne soit pas forcément recueillie et signée par un médecin ou une sage-femme faciliterait et accélèrerait grandement l'accès aux soins. En effet, dans le domaine de l'IVG, la lecture de la loi et des contraintes est à géométrie variable, et il y a des abus de pouvoir à toutes les étapes du parcours. Pour avoir été pendant plus de dix ans responsable de plusieurs centres d'IVG à l'AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris), j'ai constaté qu'à certains endroits, les patientes étaient envoyées chez le médecin de proximité pour obtenir ce document de première demande. Cela n'a aucun sens quand on sait que la conseillère conjugale qui avait reçu la patiente avait déjà commencé à lui expliquer les méthodes et que, dans les faits, elle avait très clairement recueilli une demande de sa part. D'ailleurs, dans de nombreux services, la demande formulée auprès d'un personnel du centre fait démarrer le délai de réflexion ; cela fait partie du protocole.
Passons à la contraception déléguée, sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années. Le projet de loi relatif à la santé prévoit en effet un exercice en pratique avancée pour certaines professions paramédicales, et notamment les infirmières.
J'observe que nous n'avons rien inventé en la matière : nos collègues et amis canadiens ont en effet mis en place depuis longtemps « l'ordonnance collective », qui permet à des infirmières d'initier des contraceptions – après une formation – dans le cadre d'un partenariat avec des médecins, pharmaciens, etc. Le système est très structuré. Les Américains ont également commencé à travailler sur la question. À l'heure où nous renforçons les contrôles pour la prescription de pilule, l'Association des gynécologues obstétriciens américains recommande la vente libre de la pilule. Nous sommes très en retard dans cette réflexion.
Quoi qu'il en soit, cette contraception déléguée permettrait de faciliter l'accès aux soins. Elle concernerait des praticiens installés sur la totalité du territoire, qu'il s'agisse des infirmières, des pharmaciens ou des sages-femmes – lesquelles ont déjà un droit de primo prescription. Je précise que dans nos centres, les infirmières initient les premières contraceptions, dans le cadre d'une pratique structurée, sur la base d'un protocole de soins. Ce serait plus particulièrement bénéfique pour la classe d'âge 18-24 ans, chez qui on observe un recul d'accès à la contraception à cause de la première consultation médicale.
Dès 2005, j'avais ouvert le DIU aux sages-femmes, persuadée que cela faisait partie de leurs missions et qu'elles seraient amenées à délivrer cette prescription. Je pense que l'extension à d'autres professionnels de santé volontaires et formés serait vraiment un plus. D'ailleurs, au sein de notre réseau, nous avons développé un volet contraception, et nous essayons de mettre en rapport les professionnels de ce domaine.
Voilà pourquoi je pense que la contraception déléguée fait partie des sujets qui pourraient être clairement exprimés dans la future loi, sous la rubrique « Exercice en pratique avancée ».
Enfin, ce pourrait être l'occasion d'une grande révolution. Je vous ai dit que nos confrères américains s'étaient prononcés pour la vente libre de la pilule et des oestroprogestatifs. Actuellement, en France, la pilule de la contraception d'urgence est en vente libre, suite à une initiative de Mme Ségolène Royal. C'est une molécule qui s'appelle le lévonorgestrel, exactement la même que celle des pilules microprogestatives. Ces dernières sont absolument sans danger et n'ont absolument pas besoin d'être délivrées sur prescription médicale. Le « délistage », c'est-à-dire le retrait de la liste des médicaments à prescription médicale obligatoire, et la vente libre des microprogestatifs faciliteraient énormément l'accès aux soins et à la contraception pour les jeunes et les moins jeunes.
Actuellement, les seuls contraceptifs gratuits sans ordonnance sont le retrait et le préservatif qui est une contraception masculine. Il n'y a aucune contraception féminine en vente libre, à part les préservatifs féminins, très peu utilisés, et les ovules. Les microprogestatifs sont sans danger et très peu chers (3,50 euros les trois plaquettes).