Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 12 janvier 2015 à 16h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

Je commence par répondre aux arguments développés par M. Denis Baupin, dans cet amendement et d'autres qui lui sont liés.

La philosophie de l'amendement SPE1322 est celle d'une économie administrée. Ce n'est pas l'esprit du texte, même si certaines préoccupations nous sont communes et peuvent être prises en considération, notamment grâce à l'amendement SPE1533.

La limitation à un réseau préalablement défini par l'ARAFER ne nous paraît pas réaliste : notre territoire est vaste, et un tel schéma prédéfini deviendrait rapidement obsolète. Cela entrerait de surcroît en contradiction avec la philosophie du projet de loi. Il nous semble préférable d'essayer de corriger les dommages que l'ouverture de certaines lignes pourrait occasionner plutôt que de limiter les ouvertures en amont.

Quant à l'extension du régime de protection des services publics à toutes les liaisons, infra- et inter-régionales, il me semble qu'elle serait également excessive : nous nous condamnerions à ne changer la situation qu'à la marge. Le seuil kilométrique proposé par les rapporteurs nous paraît donc plus adapté, en tout cas nuirait moins au développement de cette activité que nous voulons créer.

Sur l'interdiction de certaines lignes par les autorités organisatrices pour des motifs non économiques – pour des raisons environnementales, de cohérence intermodale, d'égalité des territoires – je veux dire que l'offre d'autocar ne doit être encadrée a priori que si elle a des conséquences négatives pour un service public existant. C'est également ce que proposent les rapporteurs. La multiplication des critères serait source de complexité et nuirait à l'objectivité des décisions. C'est ce qui me gêne dans votre amendement, monsieur Denis Baupin, à vrai dire : la multiplication des contraintes a priori stériliserait le dispositif proposé.

Le développement d'une mobilité citoyenne respectueuse de l'environnement est une priorité du Gouvernement ; nous investissons d'ailleurs, dans le cadre des plans industriels, pour favoriser la recherche et développement, afin que les constructeurs proposent des autocars moins polluants. Je m'engage à aller plus loin encore dans cette direction.

De façon cohérente, la volonté du Gouvernement, je le répète, est bien de substituer du transport collectif à du transport individuel. Malgré l'excellence de notre système ferroviaire, la France est en retard sur ce point : la part cumulée des transports par train et autocar est de 15 % en France, contre 20 % en Espagne et près de 17 % en Italie. C'est dû au taux de remplissage décevant, hors TGV, de nos trains, et au faible développement des autocars. Le bilan carbone de ceux-ci, je le souligne aussi, n'est pas significativement différent de celui des TER notamment. Il serait donc illogique de prévoir une possible interdiction de cars sur la base d'un critère à l'aune duquel leur utilisation est plutôt positive, en particulier par rapport à l'automobile.

Il nous paraît pleinement justifié, monsieur Denis Baupin, de préciser que l'atteinte doit être substantielle ; il n'y a pas lieu de prohiber les initiatives privées dont l'impact sur le service public serait mineur, ce qui signalerait plutôt une bonne complémentarité entre public et privé. Les conséquences doivent être appréciées, à notre sens, dans leur globalité, et non pour la seule ligne concernée. Les contrats passés par les régions avec la SNCF couvrent de nombreuses lignes entre lesquelles il existe une péréquation. Sur ces deux points, l'amendement SPE1322 nous apparaît excessif.

S'agissant de l'avis de l'ARAFER, il nous semble, contrairement à vous, que l'avis conforme est un point essentiel, garant de la cohérence et de la sécurité juridique de la réforme. Il permettra l'harmonisation des pratiques régionales, et garantira donc l'égalité des territoires. Les régions et les autocars pourront aussi, sur la base de cet avis, éventuellement agir en justice.

Vous souhaitez un régime déclaratif en toutes circonstances. Je suis sensible à votre souci de clarté et de transparence, mais il ne faut pas multiplier les sources de complexité. Il nous paraît préférable de limiter le régime déclaratif au strict nécessaire. La solution proposée par l'amendement SPE1533, qui est de limiter ces déclarations aux liaisons courtes, nous paraît préférable.

Sur l'ouverture des données des sociétés d'autocars, qui rejoint une discussion que nous venons d'avoir, je redis que le Gouvernement est favorable au développement de l'accès libre aux données numériques. Le projet de loi sur le numérique engagera sur ce point des réformes substantielles ; Mme Axelle Lemaire et M. Thierry Mandon feront une large présentation de ce texte, qui fait l'objet d'une vaste concertation, dès cette semaine. Sur le thème précis des données numériques dans le secteur du transport, M. Alain Vidalies a confié un travail à M. Francis Jutand, membre du Conseil national du numérique. Ses conclusions sont attendues à la fin du mois de janvier et nourriront ledit projet de loi. Il nous paraît préférable, pour prendre des mesures, d'attendre d'avoir toutes les cartes en main. Mais la volonté du Gouvernement est bien de favoriser la plus grande ouverture possible des données, donc la transparence et in fine les usagers.

Les normes environnementales, enfin, doivent évidemment être respectées. Il nous paraît néanmoins difficile de faire apparaître ce point dans la loi : les normes d'émission sont harmonisées à l'échelle européenne ; nous risquerions de créer de l'insécurité juridique. Tout nouveau véhicule immatriculé – ce qui sera le cas des nouvelles flottes d'autocars qui vont se constituer – sera de toute façon obligatoirement conforme aux normes les plus récentes.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'avis du Gouvernement est défavorable à l'amendement SPE1322, même si nous comprenons certaines de vos préoccupations, auxquelles il nous semble que répond l'amendement qu'a présenté M. Gilles Savary.

La proposition de seuil kilométrique paraît effectivement permettre de mieux prendre en considération la réalité des services publics et de garantir la cohérence territoriale. Elle est très pertinente du point de vue de la concurrence potentielle entre le chemin de fer et la route. Le seuil de 100 kilomètres est d'ailleurs proche de ce qui se fait chez nos voisins, l'Allemagne en particulier ayant retenu comme seuil un trajet de moins d'une heure. Un seuil trop élevé briderait l'efficacité de la réforme et alourdirait la charge de travail de l'ARAFER, qui en serait moins efficace.

Cet amendement nous paraît aussi propre à améliorer le régime de déclaration. Je proposerai tout à l'heure, pour tenir compte sur un point précis des amendements SPE1317 de M. François-Michel Lambert et SPE920 de M. Philippe Vigier, un sous-amendement technique. Il nous paraît en tout cas judicieux de concentrer le régime déclaratif sur les liaisons courtes, ce qui correspond au périmètre des analyses d'impact de l'ARAFER.

Enfin, pour les nouvelles liaisons, il nous semble préférable que la déclaration soit faite directement à l'ARAFER. C'est un ajustement minime.

C'est pourquoi j'émets un avis favorable à l'amendement SPE1533.

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