À un moment donné, les grandes enseignes se sont réparti le territoire français : chacune s'est assuré la prééminence dans telle portion du territoire ou dans tel secteur, en invoquant une raison historique ou un accord local, voire en promettant de ne pas s'implanter sur tel marché étranger. Cela n'a pas été nécessairement un abus de position dominante : l'accord de partage a abouti à une situation de position dominante, qui a été acceptée dans les faits.
Dès lors, le problème est le suivant : quels pouvoirs attribuer à l'Autorité de la concurrence pour que les entreprises concernées renoncent à cette situation de position dominante, qui est en réalité un abus de position dominante qui ne dit pas son nom ? Une des solutions consiste, après avoir établi l'existence d'accord de partages entre les entreprises, à leur interdire tel contrat ou telle alliance, à charge pour elles de démontrer dans un délai fixé, le cas échéant sous astreinte, qu'elles ont renoncé à la situation en cause et contribué, par-là même, à rétablir un peu de concurrence, au profit du consommateur – toute position dominante étant par nature préjudiciable à ce dernier.
À partir de là se pose la question des sanctions. S'agissant de l'abus de position dominante, dans le cas où les injonctions de l'Autorité de la concurrence ne sont pas respectées, l'article L. 464-2 du code de commerce prévoit des sanctions extrêmement lourdes : jusqu'à 3 millions d'euros si le contrevenant n'est pas une entreprise et, pour une entreprise, jusqu'à 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial le plus élevé réalisé au cours d'un exercice antérieur – ce qui peut faire plusieurs dizaines de milliards d'euros, même si l'Autorité de la concurrence n'est jamais allée jusque-là. Certains s'étonnent parfois du montant des sanctions infligées, mais il faut les rapporter aux maximums qui ont été fixés par le législateur.
Monsieur le ministre, vos services ont-ils étudié une carte sur la base de laquelle il serait possible d'intervenir ? D'autre part, dans le cas où les grandes enseignes refuseraient de se conformer aux injonctions, ont-ils évalué le montant des sanctions qui pourraient être prononcées par l'Autorité de la concurrence au profit de l'État ?