Je m'associe à ce qui a été dit sur l'incongruité de discuter des professions juridiques réglementées en l'absence de leur ministre de tutelle. Il a été répondu qu'une concertation aurait eu lieu. Or nous avons auditionné les représentants de ces professions qui tous nous ont déclaré, au contraire, qu'il n'y avait eu aucune concertation. Le seul fait qu'ils aient été reçus – sans qu'aucune conséquence n'ait été tirée de leurs remarques – ne constitue pas une concertation.
Au sein de la commission des Lois, une mission d'information a été constituée, présidée par notre rapporteure thématique, Cécile Untermaier, tandis que Philippe Houillon en était vice-président et corapporteur. Au cours des 42 auditions auxquelles la mission a procédé, 160 personnes ont été entendues. Le rapport qui en est résulté a été voté par l'unanimité de ses membres tandis que la commission des Lois en décidait la publication, également à l'unanimité. Or je suis très étonné, en examinant la liasse d'amendements, de n'en trouver aucun de la présidente-rapporteure de la mission qui reprenne les propositions émises par la mission. J'ai constaté, en consultant le site internet de l'Assemblée, qu'un amendement qu'elle avait déposé à l'article 12 a été retiré avant le début de nos travaux en commission. Or cet amendement aurait eu l'assentiment des membres de la mission, puisqu'il prévoyait de supprimer le « corridor tarifaire ».
Je propose la suppression de cet article car l'activité des professions juridiques réglementées est civile par nature et se situe donc hors commerce. On l'a évoqué : une profession semble particulièrement visée, celle de notaire. On peut d'ailleurs trouver sur internet la réponse de la porte-parole du parti socialiste aux voeux de Mme Cécile Duflot : Mme Juliette Méadel a déclaré que « ce texte n'enlève rien à personne à l'exception des notaires ». Ce qui m'étonne.
Le droit n'est pas une marchandise et, par conséquent, n'est pas soumis aux mêmes règles de concurrence que les activités marchandes concernées par les articles précédents. Ce caractère particulier de l'activité juridique est dû à notre système de droit continental qui est, certains orateurs l'ont souligné, très protecteur pour nos concitoyens. Il s'oppose au droit anglo-saxon qui fait du droit un marché soumis à la concurrence sans aucune régulation, ce qui lui ôte tout caractère protecteur. Ainsi, certains professionnels du droit, en France, ont la qualité d'officier ministériel ou bien d'officier public, ce qui signifie qu'ils sont dépositaires du sceau de l'État qui leur permet de conférer leur authenticité aux actes qu'ils rédigent et reçoivent. Ils participent ainsi au service public de sécurité juridique dû par l'État au titre de notre système juridique de droit continental.
Afin d'assurer l'égalité de nos concitoyens devant ce service public, il a été institué un tarif fixé par l'État, par l'intermédiaire du garde des Sceaux qui n'a jamais aussi bien porté son titre qu'à cette occasion. Ainsi, nos concitoyens, quel que soit l'endroit du territoire où ils se trouvent, sont assurés de payer le même tarif. Or, en mettant fin au tarif unique, vous supprimez une égalité entre nos concitoyens. En confiant à l'Autorité de la concurrence le soin de fixer une fourchette de tarifs, vous méconnaissez totalement la nature de ces activités juridiques et vous nous emmenez dans la voie de l'« anglo-saxonnisation » de notre droit, ce dont nous ne voulons absolument pas – cela au nom de l'intérêt général, au nom de la protection de nos concitoyens.