En déclarant qu'il prenait la tête de la lutte contre la rente et le monopole, M. Montebourg avait commencé très fort. Dans ses voeux aux Français, le président de la République lui a emboité le pas en annonçant que le texte de loi allait libérer l'économie et mettre fin aux rentes. Avait-on besoin d'humilier les professions juridiques dans un moment où la cohésion nationale doit être au rendez-vous ?
Vous soulignez, monsieur le ministre, que l'article 12 ne traite que de nouveaux principes d'instauration et de fixation de tarifs réglementaires, mais comment les Français comprendront-ils ce qu'est une « rémunération raisonnable » pour une profession déterminée ? L'expression ouvre une boîte de Pandore, impossible à maîtriser entre l'inventaire des métiers et le calcul du coût réel des actes notariés, alors que la tarification des plus complexes diffère parfois bien peu de celle des plus simples. Puisque nul ne remet en cause la qualité du service juridique apporté aux Français, on peut considérer qu'il fonctionne. Il n'y a donc pas lieu de le remettre en cause. Il s'agissait au départ de réaliser 6 milliards d'euros d'économies, mais la somme annoncée semble être partie en fumée.
Sur quels critères mettrez-vous en place une tarification pertinente ? Si des modifications tarifaires interviennent dans le domaine de la santé, c'est parce qu'elles sont proposées par la Caisse nationale d'assurance maladie, au vu de certains éléments. Ce n'est pas le cas sur le sujet que nous étudions.
L'existence d'un corridor tarifaire m'inspire quelques doutes. On n'arrive pas chez un notaire en négociant ses tarifs. La force des officiers ministériels est d'apporter de la sécurité juridique sur tout le territoire à un prix unique – comme celui du timbre –, alors même que les coûts ne sont pas les mêmes dans toutes les études. Je conviens que certaines d'entre elles sont très rentables. Tant mieux ! Vous avez d'ailleurs déclaré, monsieur le ministre, que vous vous réjouiriez si de jeunes Français pouvaient devenir milliardaires. Quoi qu'il en soit, il sera très difficile d'établir une tarification en fonction de critères objectifs.
Nous ne sommes pas hostiles à la modernisation de la profession. Nous formulerons même des propositions en ce sens quand nous aborderons d'autres articles. Mais on ne peut pas tout mélanger. Alors que vous abordiez la question du point de vue du pouvoir d'achat, les critères que vous mettez en place seront facteurs d'inégalités. Leur seul effet sera d'entraîner une désertification juridique. Bientôt, il faudra proposer aux notaires des dotations, des primes à l'installation et des surfacturations d'actes, comme on en offre aux médecins pour maintenir leur présence dans certaines zones. Le projet de loi aura créé un espace juridique à deux vitesses.