Intervention de Michel Sapin

Réunion du 30 octobre 2012 à 9h30
Commission des affaires sociales

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Le Gouvernement attache une très grande importance au dialogue social – qui n'est pas une manière de différer les décisions, mais qui peut au contraire permettre de trouver des solutions et faire gagner du temps et de l'argent. Un dialogue social de qualité entre partenaires représentatifs est un élément essentiel des réformes qui doivent être menées dans tous les domaines, notamment dans celui du marché du travail et de la sécurisation de l'emploi. La négociation relative au contrat de génération a montré qu'il était possible, si l'on en avait la volonté et si l'on mobilisait les moyens budgétaires nécessaires, d'en assurer une bonne application par le dialogue entre partenaires sociaux. Pour ce qui concerne la sécurisation de l'emploi, le dialogue connaîtra inévitablement des phases de tension, mais il est la seule manière de réaliser des réformes durables.

La procédure de réforme de la représentativité est en cours pour les organisations de salariés : le dernier vote important, qui concerne les très petites entreprises, aura lieu fin novembre. Des campagnes d'information sur les enjeux et les modalités de ces élections – où l'on votera pour des étiquettes, et non pas pour des noms comme on a l'habitude de le faire en démocratie – seront menées pour encourager la participation de ces électeurs, qui n'ont jusqu'à présent voté que pour les élections prud'homales. Les données statistiques issues des grandes entreprises comme des petites permettront alors de connaître, au milieu de l'année prochaine, la représentativité réelle et indiscutable de l'ensemble des organisations syndicales.

Les modalités de représentation ne sont pas les mêmes partout. Dans le dialogue social à tous les niveaux – national, interprofessionnel, dans les entreprises ou dans les branches – la validation des accords suppose une grande précision. Il en va de même pour la représentation des organisations au sein de différents organismes, où il conviendra d'éviter les contestations juridiques susceptibles de se solder, comme cela a déjà été le cas, par des annulations pour manque de représentativité. Les modalités de nomination dans ces organismes n'ont pas toujours un caractère strictement automatique et contraignant, la représentativité pouvant avoir, selon les cas, un caractère plus indicatif.

La représentativité doit également être assurée pour les organisations patronales, mais la question est plus complexe que pour les élections syndicales et suppose des modalités différentes. De fait, appliquer aux entreprises le principe « une entreprise, une voix », calqué sur celui qui prévaut pour la représentation des salariés, favoriserait évidemment le monde de l'artisanat, mais ne rendrait pas compte de la diversité des entreprises. À l'inverse, proportionner le poids électoral au chiffre d'affaires donnerait aux très grandes entreprises une puissance qui ne refléterait pas la réalité française.

Au cours de la grande Conférence sociale, les organisations patronales – le MEDEF, la CGPME et l'UPA, toutes trois représentatives, mais estimant n'être pas représentées à leur juste proportion – ont pris devant le Président de la République l'engagement de formuler ensemble, avant l'été prochain, des propositions sur la représentativité tenant compte également des organisations qui ne sont aujourd'hui pas considérées comme représentatives – dans le monde agricole, avec la FNSEA, dans celui des professions libérales et, malgré d'excellents résultats aux élections prud'homales, dans celui de l'économie sociale et solidaire. Je fais confiance au sens de la responsabilité de ces organisations pour trouver une solution intégrant la complexité du monde des entreprises. Si elles n'y parvenaient pas, il nous faudrait recourir à la loi, mais je ne le souhaite pas, car le dialogue est bien préférable.

Nous devrions donc voir se dessiner à l'été prochain un paysage propre et net de la représentativité syndicale et patronale, ce qui est d'autant plus nécessaire que nous voulons donner au dialogue social une puissance juridique supérieure à celle que lui donne déjà la loi « Larcher ». Si la grande négociation sur la sécurisation de l'emploi aboutit, elle consacrera encore la nécessité et la force des accords, ce qui suppose que la représentativité des acteurs soit indiscutable.

L'aboutissement de ce processus est la constitutionnalisation du dialogue social. Il s'agit là d'un engagement pris par le Président de la République pendant la campagne électorale, qui a du reste pu donner lieu à débats, y compris dans le monde syndical. Ce qui fera l'objet de la constitutionnalisation n'est pas l'autonomie de l'accord entre partenaires sociaux, mais l'obligation de saisir ceux-ci pour engager une négociation préalable à toute discussion parlementaire – qu'elle soit d'origine gouvernementale ou parlementaire –, sans que soit cependant remis en cause, dans l'ordre juridique, le pouvoir souverain du Parlement.

La forme que revêtira la constitutionnalisation du dialogue social – dans le préambule de la Constitution ou sous la forme d'un dispositif particulier ? – devra être débattue avec les partenaires sociaux et au Parlement. Il reviendra au Président de la République de déterminer le moment opportun pour procéder à cette opération, en tenant compte des autres questions susceptibles de faire l'objet de réformes constitutionnelles.

Plus on croit au dialogue social et plus on crée d'obligations juridiques et de critères de représentativité, plus la transparence du financement des organisations syndicales doit être grande. La loi du 20 août 2008 fait déjà obligation à ces organisations, au niveau national, de publier leurs comptes, et c'est une bonne chose. Pour ce qui concerne les comptes des comités d'entreprise, le principe est acquis, mais les modalités restent à définir : faut-il imposer à ces organismes, quelle que soit leur taille, les mêmes obligations de transparence, comme la présence de commissaires aux comptes et la certification des comptes ? La grande Conférence sociale a prévu qu'une loi sur cette question serait débattue au Parlement en 2013.

J'en viens à l'insertion par l'activité économique (IAE), sujet difficile car il recouvre une réalité difficile pour les organismes d'insertion dont les aides sont en quelque sorte bloquées. Laissons l'IGF et l'IGAS faire leur travail de recensement et nous présenter leurs propositions sur ce dossier extrêmement complexe. Je compte sur elles pour simplifier les choses. Cela entraînera une modification des modalités de financement par simplification et renforcement des moyens. Le Gouvernement ne souhaite donc pas qu'il y ait en quelque sorte préemption des décisions au travers de ce projet de budget. Les discussions se poursuivront dans les semaines à venir.

Sur l'allocation équivalent retraite (AER), le problème est plus délicat encore tant est effroyable la situation de tous ceux et celles qui pensaient avoir droit à un dispositif leur permettant de les accompagner jusqu'à l'âge de la retraite, avec un niveau correct de rémunération et qui s'en sont vu brutalement privés. Certains peuvent ainsi se retrouver au revenu de solidarité active (RSA), allocation peu rémunératrice et extrêmement dévalorisante. Nous ne connaissons pas avec précision le nombre de personnes concernées. Disons que les chiffres peuvent être considérables et qu'il est rageant, du point de vue de l'action gouvernementale et de la mobilisation des fonds publics, de devoir mettre 900 millions ou un milliard d'euros dans des dispositifs dits passifs au lieu de les consacrer à d'autres mesures actives d'encouragement à l'emploi. Nous ne souhaitons donc pas revenir au rétablissement du dispositif existant même si cela serait légitime au regard des personnes concernées. Nous ignorons également quelles seront les conséquences du décret de juillet dernier. Il résoudra en tout cas un certain nombre des difficultés constatées.

Le Gouvernement préfère que ce sujet soit abordé dans le cadre des réflexions sur le financement pérenne des régimes de retraites. Les discussions commenceront au début de l'année 2013 avec les organisations syndicales et patronales. Cela fait partie de la feuille de route. Tous ces points – sécurisation de l'emploi, compétitivité, financement de la protection sociale – sont sur la table et feront l'objet de réponse en janvier ou février prochains. La grande Conférence sociale a prévu que les conclusions de la concertation devaient être remises à la mi-2013, anticipant les dates fixées dans la dernière loi de réforme des retraites. C'est dans ce cadre que sera abordée la douloureuse question de l'AER.

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