Intervention de Julien Aubert

Réunion du 14 janvier 2015 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert :

Le qualificatif « fallacieux » – « qui cherche à tromper ou à nuire » – a peut-être dépassé les intentions du ministre. Nous cherchons simplement à défendre le principe de précaution ; partageant l'objectif de l'article – lutter contre la double tarification –, nous en contestons la méthode.

Ce n'est pas aux avocats de prouver que la réforme leur sera défavorable ; c'est au ministère de trouver les éléments permettant de réaliser une véritable étude d'impact. C'est à vous qu'incombe la charge de la preuve !

En élargissant le périmètre d'action des avocats, vous mettez ceux-ci en concurrence. Or, quel que soit le secteur, la concurrence conduit toujours, par les mécanismes de fusion et de concentration, à la disparition des acteurs les plus fragiles. Nous craignons donc une réduction du nombre de professionnels au bénéfice des plus gros, des plus puissants et des plus urbains d'entre eux. Madame la rapporteure thématique, j'ai participé à l'audition que vous avez évoquée ; vous avez omis de mentionner que les intervenants vous ont également interpellée sur la question des clients institutionnels. L'élargissement du périmètre d'action des avocats permettra aux cabinets urbains de capter cette clientèle qui préfère avoir affaire à un seul interlocuteur. Or la perte de ces clients peut provoquer la disparition de certains cabinets dont ils représentent une partie importante du portefeuille.

Différents types d'avocats – ou de notaires – font face à différents types de problèmes. Dans les grandes villes, cette mise en concurrence peut se faire de manière indolore, mais elle serait préjudiciable aux territoires ruraux. Ainsi en est-il du barreau de Carpentras, situé dans ma circonscription et un des plus vieux de France : alors que les réformes judiciaires successives – menées par la gauche comme par la droite – lui ont déjà ôté plusieurs compétences, notamment les assises, certains avocats ont préféré se relocaliser. En fermant leurs cabinets, ils ont fragilisé l'écosystème économique des communes dans lesquelles ils étaient installés. Nous craignons que cette réforme ne produise le même effet négatif. Mais, au-delà de la préoccupation économique, il s'agit de préserver l'accès au droit dans un esprit de service public. En effet, en cas de concentration des cabinets, le coût du déplacement empêchera une partie de la population de se rendre chez un avocat situé à vingt ou quarante kilomètres. Le texte a beau affirmer l'égalité des droits entre les citoyens, cette réforme – qui poursuit un objectif noble – risque d'entraîner une désertification juridique dans les territoires les plus faibles et de détériorer l'accès au droit des populations vulnérables. Avant de faire ce bond, il convient de réaliser une véritable étude d'impact sur l'organisation territoriale du droit.

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