Lorsque, en 1972, j'ai prêté serment devant le TGI de Caen, il comptait trente-cinq avocats ; quand je l'ai quitté, en 2012, ils étaient trois cent cinquante. Entre-temps, la profession s'est totalement modernisée : jadis uniquement tournée vers la plaidoirie, elle s'est ouverte au conseil, épousant le monde du droit, des affaires et de l'économie comme jamais auparavant. La postulation en représente l'aspect le plus ancien ; elle n'existe pas devant le tribunal d'instance, ni devant le juge aux affaires familiales, ni devant les tribunaux correctionnels, ni devant les cours d'assises, ni devant les conseils de prud'hommes, ni devant les tribunaux de commerce. S'attacher à cette relique du passé qui ne correspond plus à l'actualité de la profession revient à aborder la question par le petit bout de la lorgnette !
Lorsque, avec Mme Dati, vous avez fait la réforme judiciaire à la hache, avez-vous indemnisé les avocats dont les cabinets étaient situés dans le ressort des tribunaux d'instance que vous avez supprimés ?
Pour rapprocher le justiciable du lieu où l'on rend la justice, il faudrait avant tout transférer tous les dossiers du juge aux affaires familiales devant les tribunaux d'instance. Depuis la suppression des avoués près les cours d'appel, ce sont les avocats qui les remplacent, certains avoués étant eux-mêmes devenus avocats. La réforme de la postulation proposée dans cet article constitue donc la moins mauvaise des solutions.
Notre cabinet n'a jamais souhaité exercer la postulation, la procédure exigeant d'établir des droits fixes et variables, de solliciter le délégué du bâtonnier et le président du TGI, etc. Établir tous ces documents nous coûtait plus que ce que nous pouvions percevoir ! Voilà la réalité de la postulation. Je sais que certains confrères de province y sont attachés ; mais ceux qui représentent la modernité de la profession – et le barreau de Paris en particulier – estiment qu'il s'agit d'une réalité complètement dépassée. Certes, la réalité de la profession est variée, mais je suis persuadé que ce n'est pas en tirant la profession vers le bas que l'on convaincra les avocats de rester dans les territoires ruraux : c'est au contraire en leur permettant de se spécialiser pour remplacer les notaires dans le rôle de conseillers. Voilà les solutions qu'il faut privilégier pour les avocats du XXIe siècle !