Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 20 janvier 2015 à 15h00
Questions au gouvernement — Réponse globale aux attentats et aux fractures de la société

Manuel Valls, Premier ministre :

Mesdames et messieurs les députés, monsieur le président François de Rugy, oui, il faut faire preuve de lucidité. Ce mot est d’ailleurs celui qu’ont utilisé de nombreux orateurs ici la semaine dernière, notamment Barbara Pompili.

Lucidité d’abord quant au degré de menace auquel nous faisons face. Je l’ai rappelé ce matin lors de mes voeux à la presse ministérielle, je le répète ici, comme je l’ai fait il y a une semaine : cette menace est réelle. Vous la connaissez. Elle est d’un niveau très élevé et ne concerne pas seulement la France mais de nombreux autres pays européens. Vous avez évidemment tous à l’esprit les événements de la semaine dernière en Belgique.

Nous devons répondre à cette menace avec beaucoup de force et de détermination, en consultant, bien sûr, le Parlement. Bernard Cazeneuve sera auditionné demain par la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes présidée par Éric Ciotti et dont le rapporteur est Patrick Mennucci, afin précisément de travailler sur des mesures que nous présenterons et détaillerons demain. Je ne reviens pas aujourd’hui, vous pouvez le comprendre, sur ces mesures concernant le soutien aux services de renseignement et la sécurité. Le Président de la République, pour sa part, réunit un conseil de défense. Quant à notre action diplomatique internationale, Laurent Fabius a déjà eu l’occasion de vous la rappeler.

La lucidité s’impose également sur les fractures de notre société. Je n’y reviens pas : vous l’avez dit et je reprends vos mots, ces fractures sont évidentes. Oui, il nous faut lutter contre l’antisémitisme et le racisme. Au-delà de la laïcité, vous avez ajouté un autre élément important : la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, combat qui ne se limite pas, bien sûr, à notre pays.

S’il nous faut être lucides sur ces fractures de notre société, il nous faut aussi dire les choses clairement. Nous allons adopter toute une série de dispositifs, car nous savons qu’il faut agir – et pour ce qui est de la sécurité de nos concitoyens, nous l’avons déjà fait. Mais sur bien d’autres sujets, au-delà de ce qui a déjà été engagé, il nous faudra, aussi, du temps. Pour ce qui concerne l’école, les quartiers, le sentiment de relégation ou de ségrégation, dire qu’il serait possible de résoudre les problèmes en quelques jours ou en quelques semaines n’aurait aucun sens. Si nous parlions ainsi, nous ne répondrions d’ailleurs pas à l’exigence exprimée par les Français. Dans certains domaines, ce sera, en effet, l’affaire d’une génération.

Mais il faut bien sûr agir. C’est tous le sens de la réunion de travail que nous aurons avec les ministres et les secrétaires d’État sur ces questions fondamentales de l’école, des valeurs de la République et de la laïcité, la ministre de l’éducation nationale y est revenue il y a un instant.

Il nous faut également faire preuve de lucidité quant au message à adresser à nos concitoyens en matière de laïcité, d’autorité, de respect des règles, mais aussi de droits et de devoirs, pour reprendre les mots du Président de la République.

Au fond, le choc, le traumatisme, la douleur, que le pays a subis il y a une dizaine de jours nous oblige sans doute tous à revoir non seulement nos politiques publiques mais aussi, et dans bien des domaines, nos discours.

Enfin, notre lucidité doit s’exercer sur la manière dont nous nous adressons les uns aux autres. Cet état d’esprit du 11 janvier nous oblige les uns et les autres. Il ne s’agit pas de nier les différences. Et M. Poisson a eu raison de poser une question relative à la politique économique. C’est ainsi que vit la démocratie.

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