La nouvelle méthode de calcul des TRV, fondée sur l'empilement des coûts et censée garantir la contestabilité des tarifs, pose plusieurs questions, au premier rang desquelles celle de l'ARENH. Alors que l'ARENH avait été conçu à l'origine pour couvrir les coûts du nucléaire historique, un projet de décret envisage d'y intégrer les coûts de renouvellement et de prolongation du parc nucléaire. Cela reviendrait à faire partiellement financer celui-ci par les fournisseurs alternatifs, sachant que l'ARENH est censé être une disposition transitoire et qu'après sa disparition les fournisseurs alternatifs et leurs clients seront toujours dans l'obligation d'acheter de l'électricité à EDF puisqu'ils ne disposeront pas de leur propre parc, alors même qu'ils ont déjà financé le renouvellement du parc d'EDF. Il est étrange de faire ainsi financer la création d'actifs d'EDF par des tiers, et la logique voudrait que ces investissements soient intégrés aux TRV mais sortis de l'ARENH, de manière à n'être payés que par les seuls clients d'EDF. Nous dénonçons là un vrai manque de transparence.
Il en va de même pour le TURPE. Nous nous étonnons qu'après la décision du Conseil d'État, l'article 42 de la loi sur la transition énergétique confirme une méthode de calcul loin d'avoir fait ses preuves. En effet, outre l'impact du TURPE sur la facture du consommateur, on peut s'interroger, au vu des coupures de plus en plus fréquentes sur le réseau, sur son efficacité : ERDF est-il suffisamment incité à investir, compte tenu notamment du rattrapage rendu indispensable par le sous-investissement des dernières années ? Alors que les besoins en investissements sont évalués à 2 milliards d'euros d'ici 2020, le TURPE 3 ne prévoyait qu'une enveloppe de 800 millions d'euros pour l'amélioration du réseau, ce qui nous laisse loin du compte et confirme que le dispositif n'est pas assez incitatif.
Quant aux coûts de commercialisation, leur calcul obéit à une méthode également sujette à caution. Auparavant estimés à partir de la couverture des coûts, ils correspondent désormais, selon le décret d'octobre 2014, aux coûts de commercialisation d'un fournisseur d'électricité « au moins aussi efficace qu'EDF ». Or, tandis qu'EDF, avec 91 % de parts de marché, n'a nul besoin d'une politique commerciale agressive et peut se contenter de gérer ses relations clientèle, ses concurrents, plus petits et obligés de démarcher leurs clients, ont donc des coûts commerciaux largement supérieurs. Nous pensons donc qu'il aurait été préférable d'adopter la méthode préconisée par l'Autorité de la concurrence, qui proposait de calculer ces coûts commerciaux à partir des coûts antérieurs, selon une trajectoire intégrant des gains de productivité.
Je signale par ailleurs que les certificats d'économie d'énergie obéissent, quant à eux, toujours à une logique de couverture des coûts, puisque l'article 221-5 du code de l'énergie stipule que « les coûts liés à l'accomplissement des obligations s'attachant aux ventes à des clients qui bénéficient de tarifs de vente d'énergie réglementés sont pris en compte dans les évolutions tarifaires arrêtées par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie », ce qui est d'autant plus contestable que la Cour des comptes a dénoncé le coût de gestion de ces certificats par EDF, jugé trop élevé par rapport à la concurrence. Plusieurs milliards d'euros sont ici en jeu, qui auront nécessairement un impact sur les TRV. Nous nous interrogeons donc sur le décalage entre le décret et les dispositions contenues dans le code de l'énergie.
Sur la facture d'énergie figure également la taxe sur la consommation finale d'électricité, ou TCFE. Prélevée par les collectivités territoriales, elle est plafonnée à 9,60 euros par mégawattheure et, de fait, 90 % des collectivités appliquent le taux plafond. Or cette taxe n'est pas affectée mais abonde le budget général des communes ou des départements : nous parlons ici d'1,8 milliard d'euros prélevés sur la facture d'énergie et dont la Cour des comptes n'est pas parvenue à déterminer quelle part était réinvestie dans le réseau d'électricité. Face au mur d'investissements auquel se trouve confronté aujourd'hui le secteur de l'énergie, il serait pourtant recommandé que ces sommes soient réinvesties dans le réseau de distribution ou affectées à des projets d'efficacité énergétique permettant de faire baisser la consommation des ménages. J'ajoute qu'au manque de transparence dont souffre la TFCE s'ajoute le fait que, contrairement au principe défendu par l'UFC-Que choisir et selon lequel l'électricité doit payer l'électricité, cette taxe n'est pas assise sur la capacité contributive des ménages mais sur leur consommation d'énergie.
L'UFC-Que Choisir n'a pas de position très arrêtée sur les subventions aux EnR. Quoi qu'il en soit nous connaissons l'impact de la CSPE sur la facture énergétique du consommateur final et, là encore, nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence de faire peser sur les seuls consommateurs le coût d'investissements – en l'occurrence dans les EnR – qui, in fine, bénéficieront à tous. Le problème se pose en termes identiques pour les industries électro-intensives, qui bénéficient déjà d'un plafonnement de la CSPE. Nous estimons que le consommateur n'a pas à supporter seul le poids des aides qui leur sont apportées et que le soutien à leur compétitivité doit avant tout passer par une redéfinition de notre politique industrielle.