Ce que valident les commissaires aux comptes, ce sont les comptes globaux d'EDF. Or les tarifs réglementés dépendent des coûts affectés au parc domestique, affectation qui relève de la comptabilité analytique et n'est donc pas du ressort des commissaires aux comptes.
De nombreux exemples illustrent le fait que l'évolution des coûts dont fait état EDF est objectivement trop importante, au premier rang desquels celui des certificats d'économies d'énergie. Jusqu'à cette année, EDF valorisait ces certificats 10 euros le mégawattheure cumac, somme qu'elle affectait sur le tarif réglementé. Suite à une réclamation de notre part auprès de la CRE, le coût de ces CEE a été diminué de 30 à 40 % pour être ramené à 6 ou 7 euros le mégawattheure cumac. Or, il se trouve que CLCV a lancé auprès des particuliers « Prime cash énergie », sa propre offre de CEE, lesquels sont valorisés 3 euros, comme chez Leclerc, Auchan ou Carrefour, ce qui correspond au cours du marché des certificats d'économies d'énergie. Il est donc disproportionné qu'EDF fasse payer ces mêmes certificats 6 ou 7 euros, et nous persistons à penser que l'évolution des coûts affichée par EDF est excessive, et ce d'autant plus qu'elle génère une trop forte augmentation des tarifs.
En ce qui concerne l'empilement des coûts et le TURPE, je tiens d'abord dénoncer le fait que les collectivités locales ne puissent pas faire jouer la concurrence et qu'elles ne puissent pas retourner en régie si elles le souhaitent. On m'opposera l'argument de la péréquation tarifaire. C'est certes un argument de poids mais guère définitif, et nous persistons à juger problématique l'impuissance dans laquelle se trouvent les collectivités face à leur délégataire.
Quant à l'évolution du TURPE, il est normal que le rattrapage des investissements sur le réseau génère une augmentation des coûts et donc des tarifs. Ce que nous contestons en revanche, c'est le rendement des actifs. L'opérateur exige en effet des rendements de l'ordre de 7,5 %, ce qui n'a aucun sens dans un contexte marqué par une inflation quasi nulle et des taux extrêmement bas : je rappelle que les taux directeurs sont proches de zéro et que le rendement de l'assurance vie est inférieur à trois points. On ne peut donc plus fonctionner avec les mêmes rendements qu'il y a cinq ans. Le fait que la CRE ne veuille pas discuter de la question des rendements est pour nous problématique. Le Médiateur de l'énergie est d'ailleurs d'accord avec nous sur ce point.
La CSPE est une vaste question. Les projections indiquent une explosion financière effrayante, mais, dans la mesure où ce n'est pas pour des motifs illégitimes, il apparaît complexe de l'endiguer. Cela passe en premier lieu par la maîtrise des tarifs de soutien aux énergies renouvelables, que l'on pourra difficilement maintenir à leur niveau actuel. Mais l'on doit considérer que les énergies renouvelables sont des industries émergentes et que, s'il est justifié, à ce titre, de les soutenir, elles sont en passe d'atteindre une certaine maturité, ce qui doit permettre d'envisager une baisse des aides dont elles bénéficient.
On peut également s'interroger sur la répartition des charges entre le contribuable et le consommateur. De même que les redevances aux agences de l'eau sont aujourd'hui le seul segment dynamique de la facture d'eau, la CSPE connaît une augmentation exponentielle qui pose question : même si, pour toute une série de raisons, il est plus simple pour les pouvoirs publics de ponctionner le consommateur que le contribuable, est-ce pour autant à la CSPE de financer certaines charges ?
En ce qui concerne les industriels électro-intensifs, je noterai simplement – non sans amusement – que la CRE a bien voulu leur accorder une réduction temporaire du TURPE, au nom de la défense de la compétitivité française. Elle a fait preuve en cela d'un pragmatisme dont elle est rarement capable quand il s'agit des tarifs destinés aux particuliers. Nous comprenons parfaitement qu'il faille ainsi soutenir l'appareil industriel français dès lors néanmoins que cela ne se fait pas au détriment des usagers domestiques que nous défendons, a fortiori lorsque EDF procède déjà à une répartition inéquitable de ses coûts entre les abonnés professionnels et les abonnés particuliers.
Nous avons décidé d'adopter une attitude constructive envers le compteur intelligent. Il peut aider à la maîtrise de la consommation mais plus encore à l'écrasement de la pointe, car les usagers ont un « profil de pointe » extrêmement thermosensible, ce qui a des incidences en termes environnementaux mais aussi en termes de coûts et de tarifs. Reste la question des informations et des services qui seront fournis aux consommateurs. En Californie, où la bascule vers les compteurs intelligents a été rendue quasi obligatoire et s'est accompagnée de la fourniture de services gratuits, le taux de souscription des consommateurs est resté extrêmement faible, ce qui témoigne d'une appétence limitée pour ce type d'informations. En règle générale, la domotique énergétique ne fonctionne pas chez les particuliers, pour qui, à la différence des utilisateurs professionnels qui ont un comportement très optimisateur, les gains financiers attendus du comptage intelligent ne sont pas assez significatifs.
Nous attendons encore des opérateurs qu'ils définissent clairement les services qu'ils entendent développer. Dans la foulée de la loi sur la transition énergétique et des garanties qu'elle comporte, nous espérons, par exemple, la mise en place d'alertes à la surconsommation ou la fourniture de bilans annuels permettant de comparer ses performances de consommation aux performances moyennes réalisées dans le voisinage par des foyers équivalents – ce type de service a, pour le coup, su séduire les Californiens et leur goût de l'émulation. Quoi qu'il en soit, nous avons sur le sujet un partenariat avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), et nous mettons en place, en régions, quatre groupes de parole ouverts à nos adhérents.
S'agissant de la question des pointes, l'avenir est au stockage, dont dépend le développement des énergies renouvelables. C'est une chance pour la France, dont les entreprises sont plutôt bien positionnées dans ce domaine d'innovation et pour qui le stockage doit être un axe de la création d'emplois. Nous nous intéressons plus particulièrement aux procédés de stockage décentralisé, sous forme, par exemple, de piles géantes installées chez les particuliers, qu'EDF expérimente déjà dans les îles. C'est une perspective qui ouvre de nouvelles questions : les consommateurs doivent-ils être rémunérés pour le stockage ? Quel doit être le statut juridique des piles ?
Dans l'absolu, nous sommes favorables au mécanisme de capacité, même s'il pose quelques difficultés.
Quant à la question de savoir s'il faut accroître la part des prix du marché dans le calcul du TRV, il convient, avant de se la poser, de s'interroger sur la libéralisation du marché de l'électricité. Est-elle possible ? Est-elle souhaitable ? Nous sommes par ailleurs et par principe plutôt favorables à la libéralisation des marchés, mais Léon Walras, père de la théorie de l'équilibre général, aurait sans doute identifié dans l'électricité un monopole naturel auquel il convient de ne pas toucher.
Reste qu'accroître la part des prix du marché dans le calcul du TRV aurait l'avantage de l'asseoir sur des données plus objectives que celles fournies par EDF. Se pose néanmoins le problème de la variabilité des cours sur un marché qui n'a pas encore atteint la maturité du marché du pétrole ou du marché du gaz. Cette objection faite, je pense que cet accroissement va dans le sens de la libéralisation en cours et qu'il est inéluctable.