Intervention de Frank Haun

Réunion du 14 janvier 2015 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Frank Haun, président-directeur-général de Krauss-Maffei Wegmann :

Vous venez de citer l'accord de coalition, qui montre bien que le Gouvernement allemand nous appuie.

J'en reviens au projet KANT, pourquoi maintenant ? J'ai envie d'ajouter si pas maintenant, quand ? En Europe, notre situation en matière de politique étrangère et de sécurité intérieure s'est, en très peu de temps, radicalement modifiée, et nous ne pouvons pas continuer comme cela. L'Europe et l'OTAN n'ont pas seulement un nombre important de menaces militaires à leurs frontières ; défense de nos territoires et de ceux de nos alliés, protection des routes maritimes mondiales, opérations extérieures –toutes ces tâches mettent déjà fortement à contribution les capacités de nos forces armées. Cela nous oblige notamment à continuer à travailler sur des scénarios de combats dans des conflits asymétriques, mais aussi de lutte symétrique, dans un cadre multinational – la crise ukrainienne nous a récemment montré qu'une situation peut dégénérer rapidement. Quelle est notre capacité de dissuader des agresseurs potentiels ? Disposons-nous d'assez de véhicules blindés, ne serait-ce par exemple que pour défendre Berlin ?

Il est attendu de l'Europe plus que d'être simplement une communauté de valeurs, mais les moyens avec lesquels nous pouvons faire face aux menaces sont des moyens nationaux et le résultat de processus nationaux.

J'en veux pour preuve l'exemple de l'Afghanistan, où la logistique était multipliée par le nombre de contingents nationaux participant à l'opération. On pouvait ainsi retrouver sur ce théâtre quatre ou cinq véhicules logistiques identiques – par exemple belges, allemands ou canadiens. Les moyens dont nous disposons la multiplicité des systèmes d'armes en Europe, nuisent à nos intérêts communs, menacent nos soldats sur les théâtres d'opération et coûtent très cher aux contribuables européens. Si nous sommes là ce matin, c'est parce que nous devons nous décider maintenant pour plus d'Europe aussi dans le secteur de la défense. Il y a des décisions importantes à prendre en matière d'armement car il s'agit de l'avenir de nos enfants. Ne repoussons donc pas les responsabilités qui sont les nôtres.

Le projet KANT a déclenché en Allemagne un débat public sur les technologies de souveraineté en matière de défense. Certains échanges entre députés allemands ont d'ailleurs été très vifs sur ce sujet. En Allemagne, nous avons une volonté de consolidation industrielle dans le secteur de l'armement terrestre. Mais pour autant, nous ne voulons pas d'une consolidation entre sociétés qui n'ont pas le même métier : c'est un peu comme si KMW envisageait une consolidation avec Valeo, équipementier automobile : ce serait une erreur. Compte tenu de la structure du marché, elle serait coûteuse en termes d'emplois et n'apporterait pas à KMW de nouvelles technologies ou de nouveaux marchés. En tout état de cause, ce ne serait pas une réponse du défi de l'interopérabilité auquel l'Europe est confrontée aujourd'hui ; KMW ne s'engagera donc pas dans cette voie-là. Nous ne voulons nous engager que dans une voie qui nous conduise à une véritable Europe de la défense.

KANT est une union d'égaux. La France et l'Allemagne pourront alors adresser à leur systémier national commun des demandes coordonnées pour des produits et solutions. C'est ainsi que nous parviendrons à des systèmes communs moins chers et à plus d'interopérabilité entre nos forces armées. Nous deviendrons en même temps plus attrayants pour les autres clients dans le marché européen et formerons ainsi le noyau pour une consolidation européenne élargie, à plus long terme. C'est une décision qu'il faut prendre aujourd'hui, pas dans cinq ou dix ans.

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