Intervention de Philippe Burtin

Réunion du 14 janvier 2015 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Philippe Burtin, président-directeur-général de Nexter :

Le mot qui convient en effet pour notre projet, est celui de rapprochement et non de fusion. Le vecteur de ce rapprochement sera une nouvelle société que nous appelons NewCo pour le moment ; elle sera la société de tête, la holding du nouveau groupe. Le jour du « closing », 100 % des actions de la société Nexter Systems, société de tête du groupe Nexter, et 100 % des actions de KMW, société de tête du groupe allemand, seront apportés par leurs actionnaires respectifs à cette NewCo. Les actionnaires recevront en contrepartie 50 % exactement du capital de NewCo. L'État français détiendra donc via GIAT Industries, tout comme la famille Wegmann, 50 % du nouveau groupe, en stricte parité, cette société NewCo elle-même détenant tout le groupe Nexter et tout le groupe KMW.

Le schéma de rapprochement permet à chacun de Nexter et de KMW, de conserver son autonomie juridique et son propre siège social. Les organisations, les équipes de management ne seront donc pas changées le jour du rapprochement. De même, les deux marques sont conservées. Ceci démontre aisément que le schéma permet à la fois de construire le futur d'un groupe intégré, tout en maintenant dans chaque pays un potentiel industriel ayant une certaine autonomie, apte en tout cas à assurer la nécessaire indépendance d'approvisionnement des forces des deux pays. Au plan industriel, les accords noués par chaque groupe avec une ou des entreprises pour un programme national, par exemple Scorpion avec RTD et Thales en France ou le Puma avec Rheinmetall en Allemagne, resteront inchangés. De même, les bases de fournisseurs seront préservées. Ce schéma de rapprochement est aussi ouvert à l'entrée, soit d'une nouvelle entité opérationnelle, soit d'un nouvel actionnaire.

Concernant la gouvernance du nouveau groupe, les actionnaires, c'est-à-dire la famille Wegmann et l'État françaisGIAT Industries, seront liés par un pacte d'actionnaires. Celui-ci organisera le groupe en deux niveaux de pilotage :

– un conseil de surveillance, qui aura un rôle d'orientation et de contrôle, sans pouvoir exécutif ; il sera composé de sept membres, dont trois indépendants. Certaines décisions, dont la liste est déjà établie, devront être prises à l'unanimité par le conseil de surveillance ;

– un directoire, qui sera l'organe de direction opérationnelle du nouveau groupe, composé en première étape des présidents de Nexter et de KMW.

Les gouvernances du groupe Nexter et du groupe KMW ne seront pas modifiées ; cependant, des administrateurs du groupe KMW entreront au conseil de Nexter Systems et vice versa.

La société commune sera donc en charge de conduire le groupe et sa transformation vers un groupe intégré. Plus précisément, NewCo sera en charge :

– des missions habituelles d'une société de tête : stratégie, fixation des objectifs, reporting, financement, communication ;

– mais aussi du marketing et des ventes à l'international ;

– et de coordonner la R&D, la production, les achats à des fins d'optimisation.

Au sujet de l'État actionnaire, je veux commencer en soulignant que la présence de l'État français au capital de NewCo n'a jamais été contestée par notre partenaire allemand. Au contraire, et Frank Haun le confirmera, la présence de l'État est conçue comme le gage d'une vision industrielle de long terme. L'État français détient aujourd'hui 100 % du Groupe Nexter au travers de GIAT Industries. Le rapprochement conduira l'État français à détenir 50 % exactement du nouveau groupe, et donc au niveau inférieur à NewCo, à détenir 50 % de Nexter Systems, tout autant que 50 % de KMW. Ce passage à 50 % de détention indirecte est analysé, en droit, comme une « perte de contrôle » de Nexter, même si, dans les faits, l'État reste en situation de co-contrôle.

Il est donc clair que le rapprochement de Nexter et de KMW, fondé sur la règle du 5050, conduit de facto à initier un processus de privatisation du groupe, sans lequel le schéma n'est en effet lui-même pas possible. C'est en ce sens que la représentation nationale est aujourd'hui consultée, au titre de l'article 47 du projet de loi pour la croissance et l'activité. Cette inscription concerne GIAT Industries, maison mère de Nexter Systems, selon la pratique usuelle dans de telles situations. J'insiste sur le fait que ceci ne signifie pas que NewCo ou ses deux entités opérationnelles seraient mises en bourse ! Tel n'est pas le cas et, d'ailleurs, les actionnaires se sont engagés à garder leurs actions, toutes leurs actions, pendant une période de cinq années après le « closing ». L'État français reste donc actionnaire du nouveau groupe, dont il est en situation de co-contrôle ; comme cela a été dit, les décisions majeures seront prises, par exemple, à l'unanimité.

D'autre part, le futur actionnaire et partenaire allemand a accepté le principe d'une action spécifique (Golden Share) qui donne à l'État français certaines prérogatives au niveau de Nexter Systems. En ce sens, l'article 44 du projet de loi pour la croissance et l'activité est important aussi pour le projet KANT. À ce titre, une action de Nexter Systems sera cédée par GIAT Industries à l'État et transformée en « action spécifique ». Le périmètre de celle-ci recouvrira les activités armes et munitions, en France. Cette action spécifique permet à l'État d'avoir un droit de veto, tel que défini par la loi, en cas de projet de cession ou en cas de changement de contrôle desdites activités. De plus, une revue des actifs stratégiques sera menée une fois par an et un processus spécifique particulier s'appliquera en cas de difficulté majeure rencontrée par ces dites activités.

Enfin, je voudrais vous confirmer que ce schéma d'organisation choisi pour notre rapprochement, qui s'opère « par le haut » et qui ne change pas, dans cette phase, l'organisation des deux groupes, n'entraîne en parallèle aucune modification au plan social. Les contrats de travail, les accords collectifs, les « avantages sociaux » sont inchangés. En France, le droit social applicable reste bien sûr le droit français qui continue de régir les contrats de travail et les relations sociales. Et ceci s'applique à l'identique en Allemagne, avec le droit social allemand. Concernant les conditions d'emploi des anciens ouvriers de l'État qui ont opté pour rejoindre GIAT Industries en 1990, celles-ci seront maintenues à l'identique de l'existant actuel, et les fonctionnaires en détachement dans le groupe Nexter continueront de l'être ; c'est ce que prévoit aussi l'article 47 du projet de loi qui est soumis à votre approbation.

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