Intervention de Manuel Valls

Séance en hémicycle du 21 janvier 2015 à 15h00
Débat sur la fin de vie

Manuel Valls, Premier ministre :

Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs, l’existence de chaque femme, de chaque homme, de chacun d’entre nous est ponctuée de grandes questions. Parmi celles-ci, il en est une profondément intime, éminemment complexe : c’est celle de la fin de vie – la sienne, celle des autres, celle de ses proches. Si nous sommes amenés à en débattre dans cet hémicycle, c’est parce que cette question interpelle au plus haut point notre société. Ce n’est pas nouveau. Le rôle du législateur est donc de s’en saisir, comme il l’a fait par le passé.

La discussion qui s’ouvre s’articule autour d’un constat et d’une réflexion.

Le constat, c’est que l’espérance de vie a progressé. Aujourd’hui, on vit mieux, plus longtemps, et nous devons bien sûr nous en réjouir. Le combat pour la vie, le combat pour faire reculer la maladie, est un combat qui ne doit jamais faiblir. A cet égard, nous apportons tout notre soutien à nos scientifiques, qui sont à la pointe de la recherche médicale. Nos efforts dans ce domaine doivent être et seront poursuivis.

Le corollaire de ces progrès thérapeutiques, c’est le changement des conditions de la fin de vie. Cette dernière intervient souvent en milieu médical, à l’issue de périodes plus ou moins longues, plus ou moins douloureuses de traitement. Dans ce contexte, l’individu, le patient, a développé des attentes et des revendications légitimes : le droit au respect, à l’information, à l’autonomie ; le droit, aussi, de limiter autant que possible la douleur, tant physique que psychique. Nous devons prendre toute la mesure de cette demande, mais aussi de la détresse dans laquelle des milliers de personnes meurent chaque année. C’est une réalité qu’il faut savoir affronter.

Face à ces douleurs, les patients revendiquent aujourd’hui la possibilité de faire un choix, certes délicat : celui de dire que c’en est assez, celui rester maître de son existence jusqu’à la fin, de faire respecter sa dernière volonté. C’est en quelque sorte un droit à la dignité que les patients demandent.

La détresse, c’est aussi celle des familles et des proches. Nous la connaissons tous, car nous avons tous été confrontés au drame personnel que constitue la perte d’un être cher. Ce sont des moments difficiles, où les décisions et les choix se font plus lourds, où l’émotion peut prendre le pas sur le discernement.

Dernier élément de constat, la détresse des patients, des proches, est souvent rejointe par celle du corps médical. Les équipes de soins sont placées dans une situation toujours délicate, entre le risque de faire preuve d’acharnement thérapeutique, parfois à l’encontre de la volonté des patients et des familles, et celui de se voir reprocher de ne pas avoir tout fait pour sauver ou prolonger la vie du malade. La médecine curative ne doit jamais se transformer en violence médicale. Mais à qui donner raison ? Où fixer la limite entre soigner coûte que coûte et accepter de laisser partir ?

Mesdames, messieurs les députés, le constat que je viens de dresser nous amène à une réflexion partagée : le débat sur la fin de vie est un débat nécessaire. Sur cet enjeu, nous devons savoir nous rassembler, trouver les consensus nécessaires, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, ignorer les situations délicates liées à la fin de vie serait refuser de prendre ses responsabilités. Comment concevoir que des proches aient à prendre la lourde décision d’arrêter les traitements alors que des décisions auraient pu être prises en amont par les patients eux-mêmes ? Comment tolérer qu’on en vienne à envisager de soulager soi-même les souffrances intolérables de l’un de ses parents atteint d’une maladie incurable ? De même, comment rester insensible à ces personnels soignants, à l’écoute des malades et des proches, qui souffrent d’être démunis devant l’agonie d’un patient, face à la souffrance et à la mort ?

Ignorer ces situations délicates liées à la fin de vie, c’est également laisser se développer des inégalités intolérables car aujourd’hui tout le monde n’est pas égal face à la mort.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion