Didier Sicard souligne avec force le caractère particulièrement dramatique des inégalités qui entourent la fin de vie. Il rappelle également l’exigence d’appliquer résolument la loi actuelle, et combien il est utopique d’imaginer qu’une loi puisse régler l’ensemble des problèmes liés à la diversité des situations de fin de vie. Enfin, il met en garde contre le danger de franchir la barrière d’un interdit.
Dans son avis no 121, le CCNE estime que la légalisation du suicide assisté n’est pas souhaitable. Il considère en effet que le maintien de l’interdiction faite aux médecins de « provoquer délibérément la mort » protège les personnes en fin de vie, et qu’il serait dangereux pour la société que des médecins puissent contribuer à « donner la mort ». Il estime par ailleurs dans son dernier rapport que l’assistance au suicide ne peut en aucun cas remédier à l’absence de soins palliatifs ou d’un accompagnement réel.
Dans le cadre de la mission que vous nous avez assignée, monsieur le Premier ministre, Alain Claeys et moi-même avons, en décembre dernier, soumis au Président de la République des propositions, qu’il a faites siennes. Elles visent à donner une valeur contraignante aux directives anticipées, afin d’assurer le respect de la parole du malade, et à reconnaître au malade en phase terminale un droit à la sédation profonde jusqu’au décès, autrement dit le droit, qui paraît bien légitime, de dormir avant de mourir, pour ne pas souffrir.
Nous avons acquis la certitude que ces propositions, au-delà de nos convictions personnelles, permettaient de répondre à la demande de nos concitoyens. Cette étape significative s’inscrit dans la continuité des lois précédentes : au devoir des médecins répondra désormais le droit des malades.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la mort ne se résume pas à un problème médical. Ce sujet, intime et douloureux, ne saurait être entièrement réglé par le droit. Sans une formation des futurs médecins aux sciences sociales et humaines, sans un développement des soins palliatifs et, surtout, sans une appropriation par l’ensemble de nos concitoyens du problème de la mort, toute loi restera d’application difficile.
Notre débat ne peut pas non plus se réduire à l’opposition entre partisans et adversaires de l’euthanasie, mais doit englober des problématiques telles que celles de la dépendance, de la solitude, du handicap et du sort des personnes âgées dans notre pays.
Cependant, la loi est aussi un marqueur symbolique et normatif ; elle doit permettre une amélioration de la situation concrète de nos concitoyens en fin de vie, pour l’heure insatisfaisante.
Intime et complexe, le sujet de la fin de vie interroge aussi nos valeurs fondamentales. Comme le souligne le CCNE, une société indifférente aux plus vulnérables – et qui est plus vulnérable qu’un mourant ? – perd son humanité.