Celle-ci préconisait déjà une triple prise en compte : celle des malades, dont la demande évolue souvent avec les soins eux-mêmes, celle des soignants, dont les responsabilités se sont accrues et complexifiées pour les mêmes raisons, celle des proches, qui prennent ou apportent leur part dans cette relation.
Et si ce que recèle l’attente des malades, conscients ou inconscients, fait pour partie l’objet d’un droit en fin de vie et d’un droit à la fin de vie dans des conditions strictement définies qui ont été abondamment décrites, c’est tout autant le besoin de soins palliatifs et l’obligation de satisfaire celui-ci qui devraient retenir notre attention et être l’objet de notre vigilance.
À cet égard, il reste tant reste à faire pour combler le déficit de formation des soignants d’une part, le manque cruel d’unités de soins d’autre part, malgré des initiatives et des dévouements individuels admirables.
La réflexion à laquelle nous sommes conviés aujourd’hui s’inscrit dans la suite de ces interrogations. Comment faire en sorte qu’il n’y ait ni souffrance, ni abandon, ni acharnement ? Comment mieux respecter, non seulement des directives avérées, mais des « volontés dernières » dont le caractère ultime peut être si difficile à déterminer ? Est-ce en effet à la souffrance de la personne en fin de vie que je vais mettre un terme ou à ma propre souffrance de ne pouvoir endurer la sienne ? On mesure ici l’importance, reconnue par tous sur tous ces bancs, de la collégialité d’une telle décision, que confirme le texte qui sera soumis à notre examen.
Il est vrai que la loi Leonetti a laissé des zones d’ombre, notamment en ce qui concerne la sédation du malade en fin de vie, que le rapport Claeys-Leonetti essaie d’éclairer sans y parvenir totalement. Mais comment le pourrait-il dans le respect de cet espace, de ce rapport chaque fois singulier entre soignant et soigné et qui ne saurait être entièrement prédéfini, formalisé, encore moins formaté ? Cette part d’ombre, d’incertitude, même réduite par le science, n’est-elle pas en définitive celle que réclame, qu’exige, au-delà du savoir, le respect de la vie et de sa fin comme énigme ou comme mystère ? Ne peut-on aussi, au nom de la dignité, assumer cette incertitude ?
Et c’est pour cela qu’en légalisant le « suicide assisté », il me semble que l’on consentirait à la société, fût-elle représentée par le médecin, un droit sur l’existence même de chacun qui outrepasse largement le respect, pourtant souhaité par tous, de chaque personne. C’est aussi pour cela, mes chers collègues, que nous ne suivrons pas une telle proposition et que nous n’irons pas au-delà des dernières préconisations du rapport de MM Claeys et Leonetti.