Notre démocratie a su conquérir, une à une, toutes les libertés.
Toutes, sauf une. L’ultime. Celle qui nous concerne toutes et tous : la liberté de choisir sa mort, le droit enfin reconnu à chaque citoyen majeur et responsable d’éteindre la lumière de son existence lorsque sa vie n’est plus qu’une survie, artificielle et douloureuse.
Oui, il en faut du courage, pour affronter des tabous multiséculaires, des conceptions d’un autre âge, qui nient les réalités du temps présent. Oui, il en faut du courage, pour franchir le Rubicon des conservatismes, comme il en a fallu à Simone Veil, ici, il y a quarante ans, pour défendre le droit à l’avortement au milieu des huées fanatiques.
Or le courage ne semble pas au rendez-vous de l’attente de nos concitoyens. Depuis deux ans et demi, nous avons été baladés, trimbalés, bringuebalés, de rapports en missions, de jurys citoyens en avis d’experts. Et à nous, parlementaires, législateurs, on concède deux heures de débat sur un sujet d’une telle importance. C’est totalement insuffisant, pour ne pas dire consternant.
Quant au rapport de nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti, s’il contient quelques petites avancées, il s’acharne à défendre l’obstination déraisonnable en faveur du statu quo.
Le jésuitisme des mots ne soulagera jamais la douleur des maux que subissent tant de malades. Car on continue à mal mourir dans notre pays, malgré les progrès des soins palliatifs, dont le bénéfice doit certes être élargi, mais qui atteignent à un moment leurs limites face à la souffrance extrême.
Le « laisser-mourir » ne peut pas rester le viatique hypocrite de notre dernier départ. Est-il possible, dans ce pays, de regarder la mort les yeux ouverts ? Est-il acceptable de prolonger des agonies de peur d’enflammer le débat public, en refusant d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire de respecter simplement l’engagement no 21 du candidat François Hollande ?
Est-il tolérable que des Français soient obligés, à condition d’en avoir les moyens et de pouvoir se déplacer, de partir à l’étranger pour bénéficier d’une aide active à mourir, comme il y a quarante ans, les femmes qui voulaient avorter devaient franchir nos frontières ?