Intervention de Bernard Debré

Séance en hémicycle du 21 janvier 2015 à 15h00
Débat sur la fin de vie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Debré :

Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, nous évoquons aujourd’hui un sujet éminemment difficile qui, cela a été dit, n’est ni de gauche, ni de droite. Il serait d’ailleurs dramatique de vouloir lui accoler une étiquette.

Cependant, il convient de bien définir les termes employés car, trop souvent, on s’abrite derrière eux et l’on se trompe.

Première formule qui mérite explication, l’ « acharnement thérapeutique ». C’est une mauvaise formule : c’est d’ « acharnement médical » dont il faut parler, lequel est en effet inacceptable.

Comment s’octroyer le droit de traiter, d’administrer un traitement à quelqu’un qui est en train de mourir parce que la mort gagne et que la maladie n’est plus guérissable ? Cet acharnement médical n’est pas acceptable, les médecins doivent le comprendre !

Certes, il faut bien entendu utiliser la sédation ou les traitements antalgiques afin d’éviter la douleur. Or, quelle est la différence entre eux ? J’ai essayé de comprendre… Un produit antalgique, par définition, « endort » la douleur. Je suis évidemment tout à fait d’accord pour que les médecins puissent utiliser la sédation !

Lorsque cela se fait pour empêcher que le malade en fin de vie ne souffre, on sait parfaitement bien que la sédation augmentera à proportion de la douleur. On sait bien aussi que cette sédation ou cette administration de produits antalgiques accéléreront la survenue de la mort mais l’intention est bien de donner les produits nécessaires pour que la mort soit douce et sans douleur et non de tuer immédiatement le malade dans une démarche d’euthanasie.

Oui, je suis ici afin d’expliquer le sens de certains mots ! L’acharnement médical est inacceptable mais l’acharnement thérapeutique est tout autre ! Ceux qui en bénéficient, ce sont les malades que l’on voit en réanimation, ce sont ceux qui sont parfois atteints de maladies graves mais qui ont l’espoir de guérir ! Comment nos lois peuvent-elles utiliser les termes d’acharnement thérapeutique ?

Ensuite vient la culture palliative, qui est aujourd’hui fondamentale. Or, elle n’a jamais été enseignée suffisamment et les unités de soins palliatifs ne sont pas assez nombreuses.

Il est pourtant nécessaire, et même fondamental, pour nous autres médecins, de pouvoir offrir à un patient ou à une patiente en fin de vie une place dans une unité de soins palliatifs. Aujourd’hui, seuls 2 % des patients en fin de vie ont accès à une unité de soins palliatifs. Il faut absolument les développer.

J’en arrive à la question des directives anticipées. Il importe évidemment que chacun puisse donner de telles directives lorsqu’il est en bonne santé. Mais ces directives sont-elles impératives pour l’équipe médicale ? Je me pose la question, et d’autres se la sont posée.

Que faire lorsqu’on voit arriver un homme ou une femme qui se trouve dans le coma à la suite d’une tentative de suicide ? Dans 80 % des cas, les tentatives de suicide sont des appels à l’aide lancés par des personnes qui sont seules, qui ont des problèmes ou des troubles, parfois d’une faible gravité. Croyez-vous que le médecin de garde qui recevra l’une de ces personnes aux urgences ne la soignera pas, sous prétexte qu’elle aura laissé une directive ou une lettre dans laquelle elle demande à ne pas être réanimée ? Croyez-vous qu’une jeune femme qui vient de faire une tentative de suicide ne sera pas réanimée parce qu’elle a rédigé une directive anticipée ? Je me pose la question…

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