Intervention de Catherine Lemorton

Séance en hémicycle du 21 janvier 2015 à 15h00
Débat sur la fin de vie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprime en effet devant vous au titre de ma fonction de présidente de la commission des affaires sociales, mais le sujet est si personnel que je préfère m’exprimer en tant que citoyenne, et vous faire part de ma réflexion sur le sujet, qui a beaucoup, beaucoup évolué depuis que je suis parlementaire.

À l’instar de la plupart des orateurs qui m’ont précédée dans cet hémicycle depuis le début de ce débat, je vais vous parler en toute humilité. Le sujet dont il est question relève de l’intime, de la conscience de chacun : il s’agit de la fin de vie, celle que l’on souhaite pour soi ou pour ses proches, selon les circonstances, même si l’on ne peut présager de ce que sera notre réaction le moment venu, si tant est que nous soyons encore capables de réagir alors.

Traiter de la fin de vie, c’est traiter d’un sujet grave qui renvoie chacun à sa propre mort. Le sujet est tout sauf politique ; il est philosophique. Dans ce domaine, rien n’est certain. Il est impossible de trouver l’unanimité, alors on cherche le consensus, c’est-à-dire l’approbation du plus grand nombre. C’est bien pour cela qu’il est extrêmement compliqué de légiférer.

Je voudrais saluer Véronique Massonneau, dont la proposition de loi a fait l’objet d’un débat ce matin en commission des affaires sociales. Au terme des discussions, nous avons pu constater que certains ont voté pour, certains contre, tandis que d’autres se sont abstenu ; j’étais de ceux-là.

Le débat d’aujourd’hui permet d’exprimer dans l’hémicycle nos convictions, nos doutes, nos interrogations et personne n’aura raison ou tort, quels que soient ses choix.

Il s’agit aussi de concrétiser la proposition no 21 du candidat François Hollande : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. » Quand nous la relisons, nous pouvons nous dire que tout est possible.

Ce débat est une étape dans un processus de réflexion qui trouvera prochainement, sans doute début mars, une issue législative. Mais j’en reviens à la proposition de loi de Véronique Massonneau, qui sera examinée en séance publique le 29 janvier. Il s’agit ici de répondre à des situations de souffrances insoutenables, qui ont aussi des répercussions sur l’entourage et la communauté soignante – j’ai beaucoup entendu parler de médecins ; parlons de la communauté soignante, dans son ensemble.

Face à ces drames, la réponse n’est évidemment pas de droite ou de gauche. Elle émergera de la rencontre de nos convictions et de nos consciences. Tout le monde l’a dit, il est nécessaire de faire évoluer la loi actuelle, qui ne garantit pas suffisamment le droit des personnes à être soustraites à l’obstination déraisonnable et à l’ingérence d’autrui.

La mort, je le répète, est une affaire intime. À chacun son parcours, ses convictions, son rapport à la vie, à la souffrance, son environnement affectif et familial. Face à la fin de vie se révèlent les inégalités et les accidents d’un parcours de vie : accès ou non aux soins en temps et en heure ; connaissance ou ignorance du parcours de soins optimal ; vie isolée ou non ; vie affective riche ou pauvre ; personne entourée ou seule.

Comme l’ont dit presque tous les intervenants, faire évoluer la législation sera d’autant plus fondé que nous donnerons les moyens d’appliquer le droit en vigueur en matière de soins palliatifs. Pour le coup, ce constat fait l’unanimité !

La proposition de loi de nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti est une base de travail. Je me réjouis des avancées qu’elle augure, notamment la possibilité de demander une sédation profonde et continue et le renforcement des dispositions relatives aux directives anticipées – encore faudra-t-il bien communiquer pour que chacun, dans son parcours de vie, ait connaissance de cette possibilité.

Pour autant, la recherche du consensus n’est pas une fin en soi ; rien n’interdit d’aller au-delà. C’est pourquoi il me semble nécessaire de demeurer ouvert à des évolutions répondant à quelques-unes des problématiques suivantes : comment traduire dans la fin de vie l’attachement de notre civilisation à la liberté de l’individu ? Ne peut-on pas lui permettre d’organiser davantage les conditions de sa fin de vie lorsqu’il n’y a plus d’espoir médical, au point, non plus d’accompagner cette fin, mais bien de la décider ? Ces sujets sont ouverts ; nous devons les aborder ensemble.

Des sondages, sur lesquels certaines associations s’appuient, disent que 94 % des Français souhaitent mourir dans la dignité. Mais c’est de 100 % des Français qu’il faut parler : chacun doit avoir accès à la fin de vie qu’il juge digne pour lui-même !

Mon intime conviction est que nous trouverons notre équilibre, non pas en sacralisant le consensus, mais en discutant, en écoutant et en votant conformément à notre conscience.

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