Entre 2002 et 2011, le déficit cumulé de la sécurité sociale a atteint 160 milliards d'euros. Cette somme a été transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), dont la durée de vie a été prolongée de quelques années, ce qui reporte sur les générations futures le soin d'acquitter des dettes issues de dépenses de fonctionnement dont elles ne sont évidemment pas à l'origine.
Convaincus qu'il fallait en finir avec cette pratique, et sachant que le déficit de 2012 approcherait 20 milliards d'euros, nous avons jugé nécessaire de prendre des mesures de redressement, ce qui supposait à la fois des économies et des recettes nouvelles.
La limitation à 2,7 % de la progression de l'ONDAM suppose ainsi une économie de 2,4 milliards d'euros tous régimes confondus – de 2,1 milliards pour le seul régime général. Quant aux recettes, elles ont été conçues pour réduire le déficit de 3,8 milliards d'euros par rapport à la précédente loi de financement et de 5,9 milliards d'euros en exécution budgétaire.
Dans un souci d'équité, les travailleurs indépendants, dont les gains dépassant 180 000 euros par an n'étaient pas soumis à cotisation, devront désormais contribuer davantage au financement de leur protection sociale, puisque l'intégralité de leurs revenus sera désormais soumise à cotisation. Les auto-entrepreneurs, quant à eux, conservent le bénéfice d'une déclaration simplifiée et d'une cotisation nulle en l'absence de chiffre d'affaires, mais leur taux de cotisation sera aligné sur celui de leurs concurrents qui ont opté pour le statut classique d'entrepreneur. Je salue le sens des responsabilités dont ont fait preuve les intéressés puisqu'en dépit des efforts qui leur sont demandés, le Régime social des indépendants (RSI) a donné un avis favorable à ce projet de loi de financement.
Dans un souci de justice sociale, le projet propose d'élargir l'assiette de la taxe sur les salaires, afin de l'aligner sur celle de la CSG, et de supprimer la possibilité pour les particuliers employeurs de cotiser au forfait, ceux-ci continueront néanmoins à bénéficier d'un régime fiscal favorable. L'année dernière, la précédente majorité avait supprimé l'abattement de 15 % sur les cotisations sociales payées par les ménages employant à domicile une personne déclarée au réel, ce qui a entraîné un recours accru au forfait. Il nous a paru nécessaire de supprimer cette option, ce qui nous apparaît comme un bon compromis entre la nécessité de préserver les emplois et celle de protéger les droits des salariés.
Ce projet de loi de financement contient également plusieurs dispositions de santé publique comme la modification structurelle de la fiscalité du tabac ou le relèvement des droits d'accise sur la bière.
Le tabac fait l'objet d'une double imposition, l'une spécifique et l'autre proportionnelle. En France, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays européens, la taxation spécifique est plus importante que la taxation proportionnelle, ce qui fait que lorsque les prix augmentent, celui des cigarettes les plus chères augmente davantage que celui des cigarettes les moins chères. Cela a pour effet de reporter la consommation sur les secondes, au préjudice de la santé publique comme des recettes. Il nous fallait inverser ce rapport afin de rendre notre fiscalité sur le tabac « eurocompatible ». Si le Parlement adopte cette disposition, nous amorcerons ainsi une harmonisation de notre fiscalité avec celle des pays voisins dès le 1er juillet prochain tout en nous procurant un gain de 125 millions d'euros.
Quant aux droits d'accise sur la bière, l'augmentation du droit spécifique correspond à une augmentation de 3 à 8 centimes par verre de bière ordinaire, ce qui contribuera à nous rapprocher de nos voisins européens. Je comprends l'émotion que suscite cette disposition, mais je rappelle que ces droits sont trois ou quatre plus élevés en Irlande, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas. Il ne s'agit pas d'empêcher la consommation de bière, plaisir auquel chacun de nous pourra continuer à s'adonner, mais d'éviter la consommation excessive qui touche une partie de notre jeunesse.
Enfin, ce texte met en place un certain nombre de contributions destinées à assurer le financement des pensions de différents régimes de retraite. Pour sauver la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), il relève le taux de la contribution tarifaire d'acheminement sur les prestations de distribution d'électricité et de gaz, ce qui représente un gain de 160 millions d'euros ; pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), il relève les taux de cotisation des assurés de 8,63 à 9,75 %, et cela avec l'accord des professionnels ; pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), il relève de 1,35 point le taux de cotisation des employeurs publics. Si rien n'avait été fait, celle-ci n'aurait pas été en mesure de servir les pensions jusqu'au 31 décembre 2013. J'espère que cette hausse nous permettra d'envisager sereinement la suite, mais je crains qu'un effort supplémentaire ne soit nécessaire en 2014.