Intervention de Dominique Bousquenaud

Réunion du 15 janvier 2015 à 9h00
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Dominique Bousquenaud, secrétaire général de la fédération FCE-CFDT, Fédération Chimie énergie de la CFDT :

Merci de cette audition.

Tout d'abord, nous souhaitons rappeler que la CFDT s'investit depuis plusieurs années dans une réflexion sur la transition énergétique, et qu'elle s'est impliquée dans les conférences environnementales ou dans les débats publics et citoyens organisés sur la question.

Nous voulons aussi souligner que la CFDT soutient globalement les objectifs communs du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre et notre consommation d'énergie, dans le respect des engagements européens et internationaux de la France.

L'efficacité énergétique et la réduction de notre consommation d'énergie sont des obligations qui ne sont pas, selon nous, synonymes de décroissance. Produire et consommer autrement est possible en s'appuyant sur l'intelligence et l'innovation. C'est aussi une occasion de développer de l'activité et des emplois pour les entreprises françaises.

Nous sommes favorables à l'élaboration d'un nouveau bouquet énergétique plus équilibré, comportant une plus grande part d'énergies renouvelables. Néanmoins, nous continuons de penser que l'objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2025 n'est pas tenable et qu'une cible de 60 % en 2030 serait plus réaliste et permettrait de mieux gérer les transitions industrielles et sociales.

Par ailleurs, la CFDT tient à rappeler qu'elle avait fait part de son opposition à l'ouverture à la concurrence des concessions hydrauliques et qu'elle avait demandé le retrait de ce chapitre de la loi, afin de poursuivre la concertation et rechercher des solutions alternatives à ce projet. Notre organisation prend acte des amendements des parlementaires favorisant la prolongation de certaines concessions en contrepartie d'investissements pour permettre la réalisation de travaux nécessaires pour atteindre les objectifs de la politique énergétique nationale, dans le respect des règles de l'Union européenne.

Elle regrette par ailleurs la faible place laissée au gaz dans ce projet de loi, alors qu'il a un rôle important à jouer dans la transition, d'autant qu'il peut être produit à partir de sources renouvelables et qu'il est beaucoup moins émetteur de gaz à effet de serre et de polluants que le charbon.

Enfin, la CFDT s'inquiète du financement de cette transition. Nous craignons que les ressources nécessaires ne soient pas au rendez-vous dans la durée, au risque de ne pas atteindre les objectifs qu'impose la transformation de notre modèle de croissance fondé jusqu'à présent sur une forte consommation énergétique. Elle regrette en particulier que cette loi n'ait pas permis d'avancer sur la fiscalité écologique, ni de clarifier la stratégie du gouvernement dans ce domaine.

S'agissant plus particulièrement de la problématique des prix de l'énergie, la CFDT prend en compte l'augmentation très probable de ces prix dans les années à venir. Cette évolution doit être considérée comme un signal prix et constituer une incitation à réduire la consommation d'énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports.

La CFDT sera très attentive à la répercussion de cette hausse des prix sur les ménages, car elle risque d'accroître la précarité énergétique déjà importante en France. En effet, comme le montre une enquête récente de l'INSEE, 22 % des ménages sont en situation de vulnérabilité énergétique. Il est donc indispensable de mettre en place des dispositifs de compensation etou des aides afin de réduire la consommation et donc la facture énergétique des ménages les plus fragiles, qui dépensent parfois jusqu'à 20 % de leur revenu pour le chauffage et le carburant. Réduire significativement la précarité énergétique est, pour nous, un enjeu majeur. La CFDT souhaite donc que des mesures fortes soient prises pour lutter contre cette situation.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte propose la mise en place d'un chèque énergie sous conditions de ressources. Pour la CFDT, cette proposition va dans le bon sens. Toutefois le débat parlementaire a soulevé de nombreuses questions essentielles, toujours en suspens. Le chèque va-t-il remplacer les tarifs sociaux existants ou viendra-t-il en complément de ceux-ci ? Comment et par qui sera-t-il distribué ? Comment être sûr de toucher tous les bénéficiaires, puisque l'on sait qu'un nombre grandissant de ménages précaires ne bénéficie pas des aides auxquelles ils peuvent prétendre ? Un fournisseur d'énergie de dernier recours sera-t-il prévu ? Qu'en sera-t-il de son financement ?

Pour sa part, la CFDT est favorable à un élargissement de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) à toutes les énergies – gaz, fioul, réseaux de chaleur, bois –, ce qui pourrait permettre de financer ce chèque énergie. Cette question pourrait aussi être traitée dans le cadre d'une refonte globale de notre fiscalité, incluant une part de fiscalité écologique et énergétique (taxes locales, TICPE, TICGN).

La lutte contre la précarité énergétique ne peut se réduire à des mesures d'aide au paiement des factures, qui seront forcément limitées : elle implique de rénover les logements dans la durée, notamment ceux des ménages précaires et ceux qui sont reconnus comme des « passoires énergétiques ». Cette lutte nécessite aussi l'implication des propriétaires-bailleurs dans la rénovation du parc locatif et une démarche pédagogique d'incitation aux économies d'énergie auprès de la population.

Autre problématique soulevée par le renchérissement des prix de l'énergie : le soutien aux industries électro etou gazo intensives, que la CFDT juge indispensable afin de garantir leur maintien sur le territoire national et de sauvegarder l'emploi. Des dispositions ont certes été prises pour réduire quelque peu la facture électrique des entreprises françaises, mais elles ne sont sans doute pas suffisantes pour garantir la compétitivité des industries concernées. Une démarche similaire devrait être mise en oeuvre pour les entreprises gazo-intensives, afin de les aider à résister à la concurrence des entreprises implantées au Moyen-Orient ou aux États-Unis.

La compétitivité de l'industrie en France ne se résume pas à la question du coût du travail. Elle repose sur bon nombre de facteurs, comme la recherche et le développement ou encore la qualification des salariés. Le prix de l'énergie est un facteur essentiel pour la compétitivité et l'avenir des entreprises et de l'industrie en France. Il est indispensable que des procédés de production innovants utilisant l'électricité et le gaz continuent à être mis au point et diffusés auprès de toutes les entreprises, et donc que les moyens de la R&D dans ces domaines et ceux destinés à sa diffusion soient préservés. Je pense notamment à l'appui aux clients apporté par EDF et GDF Suez pour moderniser leur outil de production.

La fin des tarifs réglementés de vente (TRV) d'une puissance supérieure à 36 kVA, au 31 décembre 2015, et la suppression progressive des tarifs réglementés du gaz d'ici à la fin de l'année pour les sites non résidentiels consommant plus de 30 MWh vont avoir un fort impact sur l'organisation des opérateurs historiques EDF et GDF Suez, en particulier sur leurs équipes commerciales. Cela pose des questions de fond pour ces deux entreprises, en premier lieu sur leur système de tarification, mais également sur leur présence territoriale, leur capacité à développer auprès de leurs clients l'efficacité énergétique et les services associés, et les effectifs qu'ils peuvent consacrer à ces activités.

Concernant le nouveau mécanisme de soutien aux énergies renouvelables proposé dans le projet de loi, la CFDT émet un avis a priori favorable, sous réserve des modalités de mise en place de ce dispositif et de transition entre les deux systèmes (prix d'achat et complément de rémunération). Elle souligne que les effets sur les prix de l'électricité et sur la CSPE sont difficiles à appréhender à ce stade.

La CFDT est attachée au tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) qui garantit le principe de la péréquation tarifaire sur l'ensemble du territoire. Nous tenons à signaler à ce sujet que le système actuel de concession avec ERDF et les entreprises locales de distribution garantit cette péréquation et une couverture équitable du territoire national, tant en métropole que dans les zones non interconnectées.

Plus largement, la CFDT considère qu'une approche européenne de la régulation de l'énergie est nécessaire et que la tarification de l'électricité en est un élément essentiel. L'inéluctable développement des réseaux intelligents (électricité et gaz) est, selon nous, une chance pour réussir la transition énergétique. Dans ce but, ces réseaux doivent permettre de fournir au consommateur final des informations et des outils de maîtrise de ses consommations, afin de l'inciter à faire des économies d'énergie. Ils nécessitent la mise en place d'une tarification incitant à la valorisation des informations fournies. Ces réseaux intelligents vont également permettre un meilleur pilotage des effacements.

Enfin, la CFDT est favorable au développement de l'effacement, mais n'admet pas la captation de l'intérêt collectif par des affairistes. Selon nous, la rémunération et le pilotage de l'effacement relèvent du service public pris en charge par le distributeur.

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