Huit ans après l'ouverture totale des marchés, chacun peut constater que les baisses de prix qui avaient été mises en avant pour justifier cette ouverture ne sont pas au rendez-vous. C'est donc un échec.
Face à une telle situation, FO Energie et Mines, mais aussi la Confédération FO, considèrent que le prix de l'électricité en France, qui est aujourd'hui parmi les moins chers des pays européens (80 % d'écart de prix avec l'Allemagne sur les tarifs destinés aux particuliers), notamment du fait du choix nucléaire de la France, doit continuer à le rester.
Cela ne signifie pas qu'il ne doit pas y avoir d'évolutions tarifaires. En effet, sauf à courir le risque de sous-investissements, une situation qui serait néfaste pour l'ensemble des usagers, les prix ne peuvent durablement s'écarter des coûts complets. Du reste, et personne ne le conteste, nous nous situons maintenant dans une reprise conséquente des investissements. Mais nous pouvons, nous devons même, limiter ces coûts en choisissant les solutions les plus économiquement efficaces. Comment limiter ces hausses de coûts ?
Il faut d'abord noter que nous payons le coût de la désoptimisation du système électrique – le président Boiteux parlait ici d'un milliard d'euros par an – lié à l'ouverture des marchés. Non seulement cette ouverture n'a pas fait baisser les prix, mais elle les a augmentés. Il serait d'ailleurs intéressant que votre commission chiffre le coût de cette désoptimisation. En effet, à défaut de revenir, comme FO le revendique, sur une telle politique, qui illustre pourtant la faillite de l'idéologie libérale dans notre secteur, nos concitoyens ont au moins le droit à la transparence.
Nous voulons aussi souligner que le vote du projet de loi sur la transition énergétique, contre lequel nous nous mobiliserons également le 29 janvier, va accroître le coût de l'électricité du fait de plusieurs mesures. J'en citerai trois.
Il y a d'abord le plafonnement de la part du nucléaire, avec la fermeture de deux centrales en état de marche dès le couplage de Flamanville 3. Une telle fermeture « politique » aura nécessairement un impact financier sur EDF. Pour FO, c'est au contraire la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires à travers le programme Grand carénage qui représente un optimum économique mais aussi social. Faut-il rappeler ici que le nucléaire est la troisième filière industrielle française et que le Comité stratégique de la filière nucléaire (CSFN) estime à 100 000 les embauches nécessaires d'ici à 2020 pour faire face aux départs en retraite ?
Il y a ensuite les dispositions sur l'hydraulique. Mettre en concurrence les concessions hydrauliques, fût-ce par vallée, impliquera une désoptimisation supplémentaire du système électrique directement liée à cette fragmentation. Les barrages ne sont, en effet, pas seulement un outil de production d'électricité ; ils sont aussi l'un des rares moyens de stockage efficace. Qui peut ici prétendre que cette désoptimisation n'aura aucune conséquence sur les prix ?
Il y a enfin la question du financement des énergies renouvelables intermittentes, aujourd'hui financées par la CSPE, c'est-à-dire par l'ensemble des usagers. Les chiffres sont là. Ils ont été rappelés par plusieurs des personnes auditionnées, notamment les représentants de l'Union française de l'électricité (UFE). La part des taxes incluant la CSPE dans la facture d'électricité est passée en dix ans de 18 % à 34 %, alors que, dans le même temps, la part énergie a diminué de 40 à 36 % et celle des réseaux de 39 à 30 %. Ce qui a tiré l'augmentation des tarifs de la dernière période, c'est donc principalement la CSPE et, au sein de celle-ci, le financement des énergies renouvelables.
Mais si l'on se projette dans l'avenir, les impacts potentiels sont encore plus lourds. En effet, le projet de loi fixe un objectif de 32 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2030, chiffre que l'exposé des motifs décline en 40 % pour la seule électricité, ce qui inclut des développements tels que l'éolien offshore particulièrement coûteux. À cela s'ajoutent des charges contestées par la quasi-totalité des acteurs lors du dernier Conseil supérieur de l'énergie, à savoir les mesures envisagées pour aider un opérateur d'effacement diffus.
De ce point de vue, ce n'est certainement pas la création d'un comité de gestion de la CSPE qui va faire baisser la facture. Il est d'ailleurs inquiétant que l'étude d'impact du projet de loi ne donne aucune indication en la matière. Sans doute parce que cette augmentation de facture annoncée sera difficilement soutenable pour nos concitoyens ... Certes, le projet de loi de transition énergétique veut modifier ces règles, mais certaines des personnes auditionnées, comme le président de l'ADEME, Bruno Léchevin, disent que le système de « complément de rémunération » peut encore augmenter la facture.
La question est donc posée : est-ce aux seuls usagers de l'électricité, y compris les plus démunis, de payer pour le développement de ces énergies ?
Plus fondamentalement, dans la mesure où la Cour des comptes elle-même considère que la CSPE est un quasi-impôt, cette politique publique ne doit-elle pas être financée par l'impôt ? C'est en tout cas ce que nous pensons à FO.
Le second axe de notre réflexion porte sur la nécessité de tirer les conséquences du fait que l'électricité est un bien de première nécessité et un service public essentiel. Cela peut évidemment amener à s'interroger sur les impôts pesant sur l'électricité. Appliquer un taux de TVA de 20 % sur la consommation d'électricité et de gaz, y compris sur la CSPE dont on a dit que c'était déjà un quasi-impôt, c'est-à-dire faire un impôt sur un impôt, c'est nier ce caractère vital. Pour notre part, nous demandons l'application d'une TVA à 5,5 %.
Dire que l'électricité est un service public implique, pour nous, le maintien des tarifs réglementés et de la péréquation des tarifs. Nous n'ignorons pas, cependant, que cette égalité des usagers est contestée par un certain nombre de forces qui prônent le retour à une logique de décentralisation, qui prévalait avant-guerre. Pour FO, la défense de la péréquation est fondamentale.
Dire que l'électricité est un service essentiel, c'est aussi permettre aux usagers les plus démunis de pouvoir payer leurs factures. FO Énergie et la Confédération FO sont attachées aux tarifs sociaux de l'électricité, mais aussi à leur nécessaire revalorisation car leur montant reste insuffisant. Si l'on doit basculer vers un chèque énergie, qui a l'avantage de traiter toutes les énergies de la même façon, la condition pour nous est qu'il n'y ait pas de recul pour les usagers de l'électricité.
Souligner le caractère essentiel de l'électricité implique également de prendre en compte les risques de délocalisation des industries électro-intensives. Mais soyons clairs. Le droit européen actuel laisse des marges limitées en la matière – sauf à le changer, ce que nous prônons ! Et nous sommes opposés aux mécanismes envisagés selon lesquels des électro-intensifs pourraient entrer dans le capital de SEM hydrauliques, car, comme nous l'avons dit, la création de ces SEM reviendrait à augmenter la facture des autres usagers.
Enfin, nous voulons dire un mot sur les dividendes versés par le groupe EDF. FO fait partie de ceux qui se sont opposés à la mise en Bourse d'EDF, compte tenu du caractère particulier de l'électricité. Aujourd'hui, nous constatons que l'État exige des dividendes très élevés et n'accompagne pas cette reprise nécessaire des investissements d'EDF. Ces injonctions paradoxales dont est victime EDF, à laquelle on demande d'être à la fois un service public exemplaire et un contributeur de dividendes les plus élevés, ne sont pas tenables.
Tels sont les premiers éléments de réflexion que nous souhaitons mettre en débat.