Intervention de Alexandre Grillat

Réunion du 15 janvier 2015 à 9h00
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Alexandre Grillat, secrétaire national confédéral, CFE-CGC :

Nous sommes très attachés à la couverture des coûts. Les Anglais sont assez pragmatiques : ils considèrent que le prix de marché n'est pas la référence et, pour le développement des nouveaux actifs électriques dans leur pays, notamment ENR et nucléaire, ils passent par la logique tarifaire de couverture des coûts. Ainsi, le prix de marché n'est plus la Bible des Anglais. Je souhaite que la France se montre aussi pragmatique en faisant coller la logique tarifaire à la logique de couverture des coûts.

Ce qui s'est passé pour British Energy a montré que le fait d'exposer un opérateur d'infrastructure électrique au seul prix de marché conduit à la faillite : ce prix de marché n'avait aucune pertinence économique vis-à-vis des coûts puisqu'il dépendait d'autres facteurs. C'est ce que vit depuis plusieurs années l'Europe où le prix de marché n'est en rien lié à l'économie du système électrique européen. De la même manière, la logique libérale et de prix de marché dans les années quatre-vingt-dix a conduit à des risques de black-out en Californie.

Ainsi, on ne peut pas jouer avec la structure tarifaire en y intégrant la logique de prix de marché quand celui-ci n'est en rien pertinent par rapport aux fondamentaux de l'électricité, qui n'est pas stockable ni substituable. Beaucoup d'acteurs dans les années quatre-vingt-dix n'ont pas hésité à dire que le marché de l'électricité oubliait que l'électricité n'était pas un bien comme les autres, qu'il était peut-être le seul bien auquel les lois du marché ne pouvaient s'appliquer. Considérer tout ou partie du prix de marché comme référence dans le calcul tarifaire, c'est prendre des risques à long terme.

Nous sommes favorables au soutien des électro-intensifs, mais encore faut-il, vous avez raison, madame Battistel, définir ce qu'est un électro-intensif. En outre, si une partie des acteurs ne paie pas les coûts du système électrique, ce sont les autres consommateurs qui le feront. Il ne faut donc pas éluder la question de savoir qui va payer le soutien aux électro-intensifs. C'est un choix politique. Dans les années quatre-vingt, la France et EDF ont fait le choix de soutenir certaines usines par les tarifs préférentiels, comme Péchiney, car des choix politiques étaient portés par un EPIC en situation de monopole. Aujourd'hui, le monopole n'existe plus et l'on ne peut plus appliquer les recettes d'hier : le tarif ne peut pas porter les choix politiques.

Par ailleurs, comme pour tout acteur, le tarif des électro-intensifs comprend une part réseau et une part production et commercialisation. L'accès au réseau est assuré, qu'il y ait consommation ou pas, qu'elle soit stable ou pas ; les coûts ne sont donc pas liés à la nature fluctuante de la consommation électrique. Si l'on doit travailler à des modèles tarifaires propres aux électro-intensifs, il faut donc faire la part entre ce qui relève du réseau, avec des coûts fixes, et ce qui relève de la partie productioncommercialisation, où il y a de la base, de la semi-base et de la pointe.

S'agissant de l'hydroélectricité, madame Battistel, encore faut-il qu'EDF et GDF Suez aient les moyens d'investir pour entrer dans le deal prolongation contre investissements. Ce qui nous ramène à la question du niveau des tarifs et de la capacité qu'auront les opérateurs à investir grâce à leurs recettes tarifaires. En effet, si EDF n'a pas les moyens d'investir pour la prolongation, on sera confronté à une mise en concurrence pure et dure.

Enfin, avec des smart grids, des « smart compteurs » et, demain, des « smart tarifs », on pourra refaire ce qu'on a fait dans les années quatre-vingt avec des tarifs EJP et Tempo, qui permettaient de faire de l'effacement en pointe. Bien pensée, la construction tarifaire permet ces effacements, d'autant que les compteurs communicants permettront de mettre en place des « smart tarifs », sans être obligés de passer par des dispositifs qui pèseront sur la CSPE.

Bref, si l'on veut faire du tarif un outil de politique publique, il faut des choix politiques clairs.

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