Intervention de Louis Schweitzer

Réunion du 14 janvier 2015 à 10h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Louis Schweitzer, Commissaire général à l'investissement :

Je rappelle que le PIA est issu d'une initiative prise par le Président Nicolas Sarkozy en juin 2009, initiative fondée sur un constat qui me paraît n'avoir rien perdu de son actualité : en période d'austérité budgétaire, la tendance naturelle est de sacrifier l'investissement et l'avenir au bénéfice du présent et des dépenses de fonctionnement. Le PIA visait donc à sanctuariser l'investissement, au sens de dépenses orientées vers l'avenir ayant pour objet une rentabilité économique ou sociale. Ce programme a été élaboré par une commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, qui ont remis leur rapport en novembre 2009 ; le PIA a été créé par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010. Je précise que MM. Juppé et Rocard président toujours le comité de surveillance des investissements d'avenir, comité qui est composé de quatre députés, quatre sénateurs et huit personnalités qualifiées. Il se réunit trois fois par an et suit l'action du Commissariat général à l'investissement et l'évolution des PIA.

Ces programmes sont en effet au nombre de deux : le PIA 1, d'un montant de 34,6 milliards, et le PIA 2, voté en loi de finances rectificative fin 2013, d'un montant de 12 milliards, soit 46,6 milliards au total. Ils tendent à promouvoir l'excellence en matière de recherche et d'enseignement supérieur. Outre le transfert de la recherche fondamentale vers la recherche appliquée et de la recherche appliquée vers l'industrie, sont aussi financés directement l'industrie, le numérique et le développement durable. Nous ne finançons que des projets d'excellence, mais nous nous efforçons de favoriser également une meilleure structuration de l'activité économique. Ainsi, dans le domaine universitaire, nous encourageons le développement des communautés d'universités et d'établissements – COMUE – et nous avons suscité la création d'instituts de recherche technologique, d'instituts hospitalo-universitaires et d'instituts de transition énergétique qui associent, dans leurs domaines respectifs, recherche publique et recherche privée. Dans le domaine industriel, nous soutenons une approche par filières, qui consiste à associer, sur un projet donné, de grandes entreprises à des entreprises moyennes ou petites.

La procédure mise en oeuvre est pilotée par le Commissariat général à l'investissement – CGI. Celui-ci qui ne compte qu'une trentaine de personnes pour mener ses actions, passe des conventions avec divers opérateurs, tels que l'Agence nationale de la recherche – ANR –, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – ADEME –, la Banque publique d'investissement – BPI –, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU –, la Caisse des dépôts et des consignations – CDC –, et l'Agence nationale de l'habitat – ANAH. Ces organismes instruisent les dossiers et en suivent l'exécution. Dans tous les cas, nous ne prenons de décision que dans le cadre de programmes d'action précédés d'appels d'offres ou d'appels à projets, sur le fondement d'expertises réalisées soit par des jurys, soit par des experts indépendants. La décision finale, qui est prise par le Premier ministre, est donc précédée d'une procédure d'expertise extraordinairement rigoureuse.

Les PIA sont un objet budgétaire un peu particulier, dans la mesure où les crédits ouverts ne sont pas soumis à l'annualité budgétaire. Ces crédits sont de natures très différentes. Il peut s'agir, et c'est principalement le cas pour l'enseignement supérieur et la recherche, de dotations non consommables : l'argent ouvert reste sur un compte du Trésor et le bénéficiaire ou l'affectataire de la dotation ne touche que l'intérêt annuel de cette dotation. Celui-ci était, pour le PIA 1, de 3,5 % ; il est de 2,5 % pour le PIA 2. Pour des crédits budgétaires ouverts de 15 milliards, par exemple, la dépense annuelle effective sera de l'ordre de 50 millions pour le PIA 1 et de 37 millions pour le PIA 2. Cette approche est intelligente, car les universités ont besoin d'un financement continu pour assurer le fonctionnement des laboratoires.

Ces crédits peuvent également prendre la forme de subventions, au sens classique du terme, qui entrent immédiatement dans le déficit maastrichtien, de même que les avances remboursables que nous consentons. Tel n'est pas le cas, en revanche, des dotations en capital et des prêts, dès lors qu'ils sont accordés en tant qu'« investisseur avisé », c'est-à-dire dans des conditions garantissant qu'ils pourraient l'être par un investisseur privé. Par ailleurs, chaque fois que nous investissons dans le domaine économique, nous nous efforçons d'obtenir, par un effet de levier, des cofinancements, de sorte qu'à la dépense publique s'associe une dépense privée.

En ce qui concerne la consommation de ces crédits, fin 2014, nous avons engagé 33,3 milliards d'euros et payé 10,4 milliards ; le rythme d'engagement et de paiement est désormais de l'ordre de 1 milliard par trimestre.

J'en viens aux enjeux actuels.

Le premier d'entre eux est la continuité de notre action. La nécessité de préserver les investissements d'avenir dans une période d'austérité budgétaire demeure ; à cet égard, les circonstances n'ont pas changé depuis 2009. C'est pourquoi nous avons entamé, en interne, une réflexion sur l'opportunité de poursuivre cette action au-delà du PIA 2. Faut-il un PIA 3 ? La question mérite réflexion.

Deuxième enjeu : l'évaluation du PIA. Celle-ci se fait à plusieurs niveaux. Tout d'abord, nous vérifions, dans le cadre d'un appel à projets par exemple, que celui-ci répond à une demande. Ensuite, nous nous assurons que les actions engagées aboutissent à des résultats concrets. Enfin, nous regardons si les projets réussis ont un effet structurant et parviennent à transformer l'économie ou l'appareil de recherche français.

Parallèlement, le CGI assume une mission spécifique d'évaluation de tous les investissements publics importants. Il est ainsi chargé de recenser l'ensemble des investissements faisant appel à un financement de l'État et de ses établissements publics supérieur à 20 millions d'euros et de réaliser une contre-expertise de tous ceux faisant l'objet d'un financement de l'État ou de ses établissements publics supérieur à 100 millions.

Quelles sont nos marges de progrès ? Lorsqu'on finance l'innovation et que l'on veut aider de grandes entreprises mais aussi de plus petites, il faut être rapide et simple. C'est pourquoi notre ambition est de limiter à moins de trois mois le délai entre le dépôt d'un projet et la contractualisation avec son auteur. Bien entendu, ce délai ne s'applique pas au financement des instituts d'excellence universitaire, lourd et complexe, qui fait l'objet d'une procédure spécifique. En tout état de cause, nous évitons d'exiger un trop grand nombre de documents, les redondances et les doubles expertises là où elles ne sont pas justifiées.

Quels sont, enfin, les risques auxquels nous devons faire face ? Tout d'abord, dans un contexte de rigueur budgétaire, la tentation existe d'utiliser les PIA à des fins qui ne sont pas les siennes. Premièrement, certaines dépenses budgétaires peuvent être transférées aux PIA. Ainsi, le financement des avances remboursables à Airbus a été transféré au PIA 2, pour un montant d'un peu plus de 700 millions d'euros. Deuxièmement, des crédits du PIA peuvent être affectés, dans le cadre de redéploiements, à des actions qui ne sont pas dans sa nature. Nous proposons nous-mêmes des redéploiements au sein des PIA, lorsqu'il apparaît que certaines actions suscitent moins d'intérêt que d'autres, qui requièrent des crédits complémentaires. Mais d'autres redéploiements visent à affecter des crédits alloués aux PIA à des dépenses budgétaires normales. Les crédits de recherche militaire que vous avez évoqués, monsieur le président, relèvent plutôt d'un redéploiement de ce type.

En définitive, le PIA est un instrument, me semble-t-il, très intéressant. Au reste, nous constatons que d'autres pays cherchent à s'en inspirer. L'Allemagne a ainsi créé, dans le domaine universitaire, un mécanisme qui ressemble beaucoup à celui des investissements d'avenir. Certains succès sont fascinants. Je pense, par exemple, au concours mondial d'innovation qui a permis de sélectionner 110 start-up que nous avons subventionnées à hauteur de 200 000 euros et que nous pourrons accompagner dans les étapes ultérieures de leur développement de façon à assurer leur croissance.

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