Intervention de Louis Schweitzer

Réunion du 14 janvier 2015 à 10h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Louis Schweitzer, Commissaire général à l'investissement :

J'en viens maintenant aux questions de M. Claeys sur l'enseignement supérieur et la recherche. Nous finançons, au sein des universités, des laboratoires et des équipements. Toutefois, une part des crédits, nommée le préciput, qui a été portée de 4 % à 8 %, est destinée au financement des frais d'accompagnement engagés par l'établissement. Ce taux est parfois considéré comme insuffisant par les établissements de recherche, mais il faut bien voir que si l'on augmente le préciput, on diminue d'autant les crédits alloués au laboratoire et aux chercheurs. Pour le moment, le chiffre de 8 % nous paraît adéquat.

Par ailleurs, nous considérons que nous n'avons pas de mission d'aménagement du territoire en matière d'enseignement supérieur et de recherche ; nous visons l'excellence. J'ajouterai cependant deux remarques complémentaires. Tout d'abord, dans le premier appel à projets organisé dans le cadre du PIA 1, nous n'avons financé que de très grandes universités polyvalentes au meilleur niveau de recherche dans tous les domaines. Or, le jury a souhaité que l'on puisse financer également des universités qui sont au même niveau d'excellence mais qui sont d'une taille moindre et ne couvrent donc pas tous les domaines de la recherche. Il est ainsi prévu de créer, à côté des IDEX, un nouveau mécanisme, les I-SITE, afin que la couverture du territoire soit moins déséquilibrée au profit des grandes métropoles. Ensuite, ce n'est pas parce que nous n'avons pas de mission d'aménagement du territoire que nous ne mesurons pas l'impact régional de nos crédits. En effet, une mission dirigée par un préfet de région surveille, au sein du CGI, la répartition territoriale de nos crédits. Nous travaillons d'ailleurs avec des commissions régionales de suivi du PIA. Nous allons même parfois un peu plus loin, puisque nous avons créé des sociétés d'accélération du transfert technologique – SATT –, qui couvrent actuellement l'ensemble du territoire français, à l'exception de la Normandie – nous espérons que ce vide sera comblé. Nous avons également créé, à titre expérimental, dans le PIA 2, une enveloppe de 50 millions d'euros dont l'attribution des crédits sera codécidée par le CGI et les régions, qui l'abonderont de 50 millions d'euros.

M. Claeys m'a également interrogé sur l'articulation de nos projets avec les crédits européens. Il est vrai qu'en matière de recherche, l'attribution de ces crédits est régie par des procédures extrêmement complexes. Mais certains d'entre eux, relevant du Conseil européen de la recherche – ERC –, sont destinés à l'excellence scientifique et obéissent à une procédure rapide. Les responsables de l'institut d'excellence de Strasbourg m'ont indiqué que ce statut leur avait facilité la recherche et l'obtention de ces crédits européens. En la matière, le taux de succès français est du reste nettement supérieur à celui de nos voisins européens.

Par ailleurs, je voudrais redire après M. Carré combien la présence de MM. Juppé et Rocard est importante. Lorsque le CGI a été rattaché, au moment de ma nomination, aux ministres du Redressement productif et de l'Enseignement supérieur, ils ont démissionné ; ils ont ensuite accepté de reprendre leur démission, et le rattachement du CGI au Premier ministre a été rétabli. Au-delà, il me paraît important que ces deux personnalités président le comité de surveillance des investissements d'avenir, non seulement parce que ce sont deux personnalités remarquables, mais aussi parce que leur présence traduit la volonté de dépasser le débat politique quotidien.

Pouvons-nous remettre en cause certaines actions en cas d'échec ? Oui. Le faisons-nous ? Oui. Nous ne finançons jamais une action économique au-delà de 50 %. La défection d'un partenaire nous conduit donc à réexaminer le dossier, notre objectif étant, si le projet est bon, de faire en sorte qu'un autre partenaire prenne le relais ou que le projet soit redimensionné. Mais si le projet n'est pas bon, nous n'hésitons pas à le remettre en cause en cas d'échec. Du reste, dans la plupart des cas, nous ne versons pas toute la subvention ou toute l'avance remboursable en tête, mais progressivement, en exigeant dans certains cas des résultats d'étape pour poursuivre les versements.

Mme Pires Beaune m'a interrogé sur le délai d'engagement du solde. J'ai indiqué que notre ambition était de parvenir à un délai de trois mois entre le dépôt d'un projet complet et la contractualisation et à un délai de trente mois pour l'engagement de plus de 90 % des crédits du PIA 2. Pourquoi de tels délais ? En ce qui concerne l'instruction des dossiers, la vitesse est un élément essentiel, dès lors que l'on finance l'innovation. Or, les délais d'instruction étaient anormalement longs dans un certain nombre de cas – on a cité l'ADEME –, à tel point qu'ils décourageaient les partenaires de présenter des projets.

En ce qui concerne l'économie circulaire, les actions sont nombreuses, mais nous ne finançons que des projets innovants. Or, dans ce secteur, même si nous observons un frémissement, ils sont plus rares que dans le domaine du numérique, de la santé ou de la silver économie, par exemple.

Le courrier de MM. Juppé et Rocard sur les redéploiements a-t-il eu une réponse ? Non. En tout cas, je n'en ai pas eu connaissance.

Sur le PIA 3, nous ne sommes qu'au début de la réflexion que nous menons en interne. Je ne crois pas que celle-ci conduira à remettre en cause les grandes orientations du PIA 1 et du PIA 2, mais elles doivent certainement être actualisées. J'ajoute que cette réflexion, avant d'aboutir à des propositions, sera éclairée par des expertises extérieures, un dialogue avec France Stratégie ; un débat public me paraît nécessaire.

Mme Sas m'a interrogé sur la transition énergétique. L'éco-conditionnalité s'applique au PIA 2 ; elle concernera plus de la moitié des projets de ce programme. L'ensemble des conventions préalables à l'engagement du PIA 2 étant conclues, nous commençons le processus de contractualisation. Si des redéploiements sont intervenus, c'est parce que nous avons constaté que nous ne disposions pas de projets ou de propositions permettant d'engager les crédits.

S'agissant de la situation générale de l'investissement, reconnaissons que la réglementation bancaire n'incite ni les banques ni les compagnies d'assurances à financer l'investissement. Je le déplore, les banques également me semble-t-il. Il est vrai que, pour une banque, le risque lié à l'investissement en fonds propres dans une entreprise n'est pas rationnel au regard de ses objectifs financiers et de ses contraintes réglementaires. La BPI, qui dispose d'un peu plus de liberté, vient donc combler une lacune. Mais il est vrai également qu'en dépit de taux très bas, la demande de crédits pour l'investissement des entreprises est faible. Ce n'est pas tant la réticence des financeurs que l'absence de demande qui freine l'investissement. Et je ne pense pas qu'une action sur les taux, que je crois utile par ailleurs, ait un effet massif sur les investissements des entreprises.

En ce qui concerne les investissements dans le domaine social, ces dotations ont pu subir, comme les autres, des coups de rabot dans le cadre de redéploiements. Je dois dire que nous touchons, dans ce domaine, aux limites de l'innovation, même s'il s'agit d'investissements très utiles et intelligents – je pense, par exemple, au financement de résidences pour les apprentis.

Par ailleurs, faut-il une ligne spécifiquement consacrée au sport ? Je n'en suis pas certain. Il me semble en effet que nous devons financer le sport, ou le tourisme, dans le cadre des lignes existantes. J'ai été frappé de constater, au Consumer Electronics Show de Las Vegas, l'importance de la part de l'économie numérique liée au sport. Le numérique, l'innovation sont partout, et les industries du sport peuvent bénéficier de notre concours dans le cadre d'actions transversales.

À propos de la durée des procédures ANRU, je voudrais souligner que l'intervention de collectivités territoriales allonge souvent les délais, en aval de la décision de l'État. J'ai récemment signé une convention relative à la création d'un centre d'apprentissage à Marseille. Eh bien, entre l'engagement, c'est-à-dire la décision du Premier ministre, et la contractualisation, qui impliquait un accord des collectivités et des autres partenaires concernés, il s'est passé beaucoup plus d'un an !

S'agissant du PIA 3, de son montant éventuel et de son secteur d'intervention, nous sommes, comme je l'ai dit, au début de la réflexion. Une des questions qui se posent est celle de savoir s'il est possible d'y accroître la part des crédits non maastrichtiens. Un programme ne peut être composé exclusivement de tels crédits, car on doit pouvoir utiliser l'instrument de la subvention, mais ils possèdent une grande vertu, outre qu'ils ne pèsent pas sur le déficit : ils ne sont pas redéployables au bénéfice d'autres actions...

M. le président Carrez m'a interrogé sur le cofinancement des projets. Première remarque : pour toutes les actions menées dans le domaine économique ou associant public et privé – SATT ou IRT –, notre participation est au maximum de 50 % ; il y a donc au moins un euro privé pour un euro public. J'ajoute que les trente-quatre plans de M. Montebourg, dont le nombre sera sans doute ramené à dix ou quinze après leur regroupement, font également l'objet d'un cofinancement.

Pouvons-nous mesurer d'ores et déjà au plan macroéconomique l'impact de notre activité sur l'emploi et les exportations ? Non. Les montants effectivement dépensés ne sont pas encore massifs. En outre, lorsqu'on investit dans le sauvetage d'une entreprise – ce qui n'est pas notre métier –, on peut immédiatement mesurer le nombre des emplois sauvés ; en revanche, lorsque l'on investit dans une activité d'avenir, l'impact est plus durable, mais il est aussi plus progressif. Cependant, nous avons demandé à l'OCDE de réaliser une photographie de l'économie française face à l'innovation en 2010, au moment de la naissance du PIA, et il est convenu qu'une autre photographie soit réalisée en 2020, afin d'apprécier l'évolution de notre système d'innovation au cours de cette période. C'est une échelle de temps raisonnable.

En ce qui concerne le rôle du CGI en matière de grands investissements, nous réalisons une contre-expertise chaque fois qu'un projet, même dans le cadre d'un partenariat public-privé, représente une dépense publique supérieure à 100 millions d'euros. Cependant, nous ne sommes pas consultés sur l'ensemble d'un programme, comme celui des 3 milliards d'investissements autoroutiers ; nous n'intervenons que sur une opération précise. J'ajoute que, si ce programme est financé par une prolongation de la concession accordée aux sociétés d'autoroutes, je ne crois pas que, juridiquement, nous soyons appelés à nous prononcer puisqu'il ne comporte pas, formellement, de dépense publique. Par ailleurs, nous effectuons le recensement des opérations impliquant une dépense publique supérieure à 20 millions d'euros, recensement qui figure du reste dans un « jaune » communiqué au Parlement.

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