Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 17 janvier 2015 à 22h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

Le Gouvernement souhaite la spécialisation des tribunaux de commerce, ce qui n'est en aucun cas une réforme en profondeur. L'idée est de désigner plusieurs tribunaux de commerce spécialisés dans les affaires les plus importantes et les plus sensibles. Parmi les affaires les plus concrètes qu'ait à traiter le ministère de l'économie figurent les situations très complexes où un même groupe en grande difficulté économique peut se retrouver devant deux tribunaux de commerce différents – ce fut le cas avec les entreprises Villeneuve Pet Food ou Mory Ducros. Or le traitement peut ne pas être le même et les intérêts locaux diverger – alors qu'il est impossible de dépayser le jugement.

J'indique en outre, pour rassurer M. Poisson, que la réforme en profondeur, statutaire, des tribunaux de commerce sera proposée dans le cadre du projet de réforme judiciaire « La justice du XXIe siècle » soutenu par la garde des Sceaux. Il ne s'agit ici, je le répète, que de spécialiser des tribunaux de commerce compétents dans les affaires les plus importantes et les plus complexes. Nous ne créons pas de nouvelles juridictions ni un nouvel ordre juridictionnel. Les tribunaux spécialisés seront des tribunaux de commerce déjà existants, simplement spécialisés dans ces affaires particulières. Ces juridictions, en nombre restreint, seront interrégionales, inter-cours d'appel. Elles sont devenues une nécessité en matière de propriété intellectuelle, de droit financier et boursier et de droit pénal. Il s'agit de moderniser notre justice.

Les seuils envisagés pourraient être de 150 salariés ou de 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, ce qui, en 2013, aurait concerné 139 redressements judiciaires, 44 sauvegardes et 46 liquidations. On est donc bien loin du volume total des affaires courantes, mais il s'agit d'affaires pour lesquelles une spécialisation, au niveau de la cour d'appel ou un peu au-delà, se justifie. Ces juridictions seront compétentes de plein droit pour les procédures de prévention et les procédures collectives. Le Gouvernement émettra un avis favorable à l'amendement du rapporteur thématique Alain Tourret prévoyant qu'il reviendra au tribunal de commerce du lieu du siège de l'entreprise de saisir immédiatement, via la cour d'appel, le tribunal de commerce spécialisé.

Le tribunal devra désigner deux administrateurs et mandataires judiciaires par procédure pour renforcer l'expertise et les moyens mis à disposition pour sauver les entreprises et les emplois. Cette double nomination, qui va dans le sens d'une plus grande spécialisation pour des affaires aux enjeux plus forts et à la complexité plus importante, n'induira aucun coût supplémentaire et la rémunération due sera divisée entre les professionnels.

La réforme que nous proposons n'est donc pas systémique, mais elle est nécessaire d'un point de vue économique, en particulier en ce qui concerne les restructurations.

Au cas où je ne vous aurais pas convaincu et où vous maintiendriez vos amendements, j'émettrai un avis défavorable.

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