Dans leur rapport, Cécile Untermaier et Marcel Bonnot ont formulé des propositions très intéressantes et pragmatiques pour réformer les tribunaux de commerce de manière efficace. Elles seront très probablement reprises dans le cadre du projet sur la justice du XXIe siècle, auquel est renvoyée la réforme générale des tribunaux de commerce. Parmi les préconisations de Cécile Untermaier et de Marcel Bonnot figurait bien la spécialisation des tribunaux de commerce pour les affaires les plus complexes d'un point de vue technique et juridique, par exemple celles qui touchent aux brevets ou aux marques.
Le taux d'appel des décisions des tribunaux de commerce est certes peu élevé, mais cela tient à la nature des affaires : ce sont, pour la plupart, des actions en paiement. Or, une fois que la décision est rendue, la plupart du temps assortie de l'exécution provisoire, l'appel est onéreux ou inutile, voire les deux. Les défendeurs ne font donc généralement pas appel, et on passe alors au stade de la liquidation. Ce qui fonctionne bien aujourd'hui, c'est la prévention. Les tribunaux de commerce en font de plus en plus. L'objectif, nous en convenons tous, est bien d'éviter le dépôt de bilan.
Pour justifier la création de tribunaux de commerce spécialisés pour les affaires complexes au-delà d'un certain seuil, l'étude d'impact indique : « Lorsque des entreprises moyennes ou grandes rencontrent des difficultés, les conséquences sur l'emploi ou sur le développement économique de certaines régions peuvent être dramatiques. » Cependant, dans certains cas, il convient d'être très prudent, car « spécialisés » signifie aussi « éloignés du territoire », notamment des salariés. Cela peut être très dangereux, les liquidations – qui ne représentent certes qu'un pourcentage limité des affaires – faisant avant tout des dégâts dans un territoire donné, chez les salariés et chez les sous-traitants.
Un tribunal de commerce rattaché à un territoire connaît bien, lui, le tissu économique et industriel de son ressort, parce qu'il est composé de juges consulaires qui sont eux-mêmes des chefs d'entreprise, retraités ou en fonction, généralement dévoués, qui ne ménagent ni leur temps ni leur énergie et se forment de plus en plus. Et ces magistrats consulaires ont montré qu'ils étaient tout à fait compétents en matière de liquidation des entreprises. Il ne faut pas sous-estimer cet aspect, a fortiori si l'entreprise est de taille importante. Je comprends bien qu'il soit nécessaire de spécialiser et que la proximité n'a pas toujours que des effets positifs, mais je plaide pour que nous soyons très vigilants en ce qui concerne la fixation des seuils. La proximité, c'est aussi la connaissance de la réalité économique d'un bassin de vie, qui n'est souvent pas la même à 200 ou 300 kilomètres.