Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Réunion du 17 janvier 2015 à 22h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

La loi sur le travail dominical que le Gouvernement veut faire évoluer a bientôt six ans. Certes, elle n'est pas parfaite – peut-on dire d'une seule loi qu'elle le soit ? Lorsque le Parlement en avait débattu, j'avais été de ceux qui avaient oeuvré pour en réduire les ambitions initiales. La discussion, longue et vive, avait permis d'atteindre un équilibre qui constituait un point d'arrivée, et non un point de départ pour des changements ultérieurs.

Il était apparu que des situations locales méritaient d'être clarifiées par la loi, alors qu'elles ne l'étaient que par des arrêtés préfectoraux dont la légalité était contestée devant tous les tribunaux de France, ce qui exposait à de lourdes amendes les entreprises qui avaient eu le tort de croire que les arrêtés les protégeaient. Il avait également semblé que, dans beaucoup d'endroits, il était nécessaire d'étendre les possibilités alors ouvertes par la loi qui prévoyait de manière laconique que « le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Tous les éléments du débat furent examinés entre les premières réflexions de septembre 2007 et l'adoption de la loi à l'été 2009. Ces éléments n'ont pas varié : principe du volontariat, potentiel de croissance de l'activité en cas d'ouverture plus fréquente, étendue des zones dérogatoires, compensations, sort des accords en vigueur, incidence sur les contrats de travail. À l'époque, j'avais prôné, en vain, une solution qui s'appuie sur le dialogue social et territorial, seul à même d'apporter une réponse adaptée aux besoins d'un bassin d'emploi, à la différence d'une solution législative. J'ai néanmoins voté la loi.

À l'époque, comme aujourd'hui, plusieurs questions restaient en suspens. Quel impact une telle réforme peut-elle avoir sur la vie des familles ? Cette incertitude nous avait conduits à adopter un dispositif sans doute moins offensif que ne l'auraient souhaité certains d'entre nous. Quant au potentiel de croissance qui se libérerait grâce à des ouvertures dominicales, il est tout sauf certain. Si j'en crois les déclarations des représentants des grands groupes de magasins de bricolage, qu'un décret autorise depuis un an à ouvrir le dimanche, il n'y aurait pas de réel intérêt pour eux à le faire, à moins que les commerces voisins ne le fassent aussi. De même, de grandes entreprises refusent l'ouverture dominicale, qui leur coûterait plus d'argent qu'elle ne leur en rapporterait. Enfin, comment croire que serait dépensé le dimanche l'argent qui n'est pas dépensé pendant la semaine ? L'état de crise aigu que nous connaissons, encore accentué par rapport à 2009, n'a pas changé la donne.

Par ailleurs, je ne connais pas d'élus qui se soient plaints que les commerces ne puissent ouvrir dans leur commune. À Nice, à Biarritz, à Bordeaux, les commerces peuvent ouvrir dix, quinze, voire vingt-cinq dimanches par an, en fonction des besoins locaux. Conformément à l'esprit de la loi de 2009, ce sont les élus qui sont à l'origine de la demande visant à obtenir que le seuil de cinq dimanches soit relevé sur un territoire donné. C'est d'ailleurs ce verrou local qui avait convaincu certains d'entre nous que, le pouvoir des élus locaux et des assemblées délibérantes étant respecté, nous pouvions accepter le dispositif. Si le problème ne se posait pas de manière aiguë à Paris, nous n'aurions pas eu à en débattre de nouveau. Je n'irai pas jusqu'à dire que, ce faisant, on prend le Parlement en otage pour des raisons de querelles internes à la majorité, qui ne nous regardent pas.

Nous avons entendu les organisations professionnelles. Les seules qui se soient montrées favorables à un élargissement de l'ouverture dominicale sont les grandes enseignes implantées dans des lieux où les touristes affluent. C'est loin de concerner les 36 000 communes de France.

Notre groupe suivra avec intérêt les échanges entre les groupes de la majorité. Nous poserons sur les ZTI un regard qui n'aura rien de malveillant, mais nous nous en tiendrons pour le reste à l'esprit de la loi de 2009. Du reste, c'est dans l'hémicycle que se conclura le débat, après des échanges dont on peut prévoir – en constatant quelques écarts statistiques entre la composition de l'Assemblée et celle de notre commission spéciale – qu'ils seront plus animés en séance publique qu'ils ne l'auront été en commission.

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