Intervention de Jean-Louis Roumegas

Réunion du 17 janvier 2015 à 22h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas :

La loi n'est pas encore votée que déjà nous en enfreignons les règles, puisque notre discussion, qui débute un dimanche, n'a été précédée d'aucun accord préalable et que nous ne bénéficierons d'aucune compensation. (Sourires.) Il est vrai, néanmoins, que nous sommes tous volontaires pour participer à ce débat. En dépit des très mauvaises conditions dans lesquelles il est organisé – le Gouvernement nous imposant de discuter dans un délai réduit d'un texte long qui aborde de nombreux sujets différents –, nous sommes présents ce soir, car nous entendons résister et nous battre contre un projet néfaste qui non seulement n'apporte rien sur le plan économique, mais marque un véritable recul pour les salariés de notre pays.

Car le ministre nous a fait une présentation quelque peu idyllique de son projet. Premièrement, la loi permettra aux maires de disposer du pouvoir d'autoriser le travail non plus cinq, mais douze dimanches par an, cinq dimanches étant ouverts de droit. En conséquence, non seulement la situation variera selon les villes en fonction de la philosophie du maire, mais les communes d'une même agglomération pourront se livrer une concurrence qui n'est pas de bon aloi. Deuxièmement, le ministre a insisté sur l'aspect positif de l'harmonisation des compensations, qui marque un progrès pour les salariés. Cela sera certainement vrai pour ceux travaillant dans les zones touristiques, puisqu'ils en sont actuellement privés ; en revanche, c'est plus douteux pour les salariés des zones commerciales, puisque les compensations, qui étaient jusqu'alors fixées par la loi, dépendront désormais d'accords de branche, dont rien ne dit qu'ils seront plus favorables. Surtout, les périmètres d'usage de consommation exceptionnelle – PUCE –, limités aux communes de plus de 1 million d'habitants, seront remplacés par des zones commerciales qui pourront concerner toutes les communes. Enfin, et c'est peut-être le plus grave, le Gouvernement propose de créer des zones touristiques internationales où, nous dit le ministre, l'ouverture dominicale des commerces créerait un surcroît d'activité. Il reconnaît donc a contrario que, dans les autres zones, le développement du travail du dimanche n'entraînera qu'un transfert d'activité… Au demeurant, beaucoup contestent que le travail dominical crée un surcroît d'activité dans les ZTI. En tout état de cause, le Gouvernement souhaite non seulement y imposer le travail tous les dimanches, mais aussi y étendre le travail de nuit, qui plus est contre l'avis, le cas échéant, des maires ou des présidents d'EPCI.

Ce texte, en étendant largement le travail dominical et le travail de nuit, n'est pas conforme aux choix de société que défend le groupe écologiste. Comment accepter en effet que certaines catégories de la population n'aient d'autre choix que de travailler ou, faute d'avoir accès à la culture, de consommer ? Pour nous, ce n'est pas un progrès. Le texte marque en outre un recul du droit du travail. Ainsi, les heures travaillées entre 21h00 et minuit n'étant plus considérées comme du travail de nuit, elles ne pourront pas être comptabilisées dans le compte pénibilité. Pourtant, le travail de nuit est un problème de santé publique, puisqu'il est démontré qu'il augmente notamment le risque de cancer, notamment chez les femmes, particulièrement concernées par ces horaires.

Du reste, je rappelle que l'ensemble des syndicats de salariés sont opposés à l'extension du travail du dimanche et du travail de nuit et que la CGPME se montre très réservée en raison des risques que présente le texte pour le petit commerce. Enfin, faut-il rappeler que le parti socialiste lui-même s'opposait encore récemment à ce projet lorsqu'il était défendu par Nicolas Sarkozy ainsi qu'à la proposition de Mme Kosciusko-Morizet visant à étendre le travail de nuit ? Selon moi, il y a plus grave que les prétendues postures dénoncées tout à l'heure par M. le rapporteur : ce sont les impostures !

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