Intervention de Yves Fromion

Réunion du 17 janvier 2015 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion :

Je prendrai le temps de présenter l'amendement SPE490, car il s'agit d'un sujet majeur et c'est mon rôle de parlementaire que de défendre les intérêts des nombreux salariés concernés.

Aux termes de cet amendement, le Parlement devra donner son avis lorsque l'on aura suffisamment progressé sur ce dossier.

À l'heure actuelle, bien des aspects de l'opération restent flous. Ceux qui ont étudié le sujet ne peuvent le contester. Que deviendra GIAT après le départ de Nexter, qui représente 99,2 % de son chiffre d'affaires ? Qu'en sera-t-il des filiales SNPE et Eurenco ? Leur capital va être transféré au privé ; sont-elles couvertes par la golden share ? N'oublions pas qu'Eurenco oeuvre dans le domaine de la dissuasion nucléaire.

Ni le personnel de Nexter ni les syndicats ne sont au courant de rien, alors qu'une data room devait être mise sur pied pour les informer. Il est prévu de créer une co-entreprise pour cinq ans, pendant lesquels les deux entreprises doivent travailler à leur intégration en une seule ; mais l'on ne sait rien non plus du processus d'intégration à terme de la co-entreprise ni de ses conséquences. Au bout du compte, il n'y aura plus qu'une seule entreprise où les intérêts français seront sans doute fragilisés.

Quelles sont les perspectives d'extension à d'autres partenaires européens de la société commune ? Quelles seront les conséquences de la délocalisation aux Pays-Bas ? On nous a d'abord assuré que l'installation dans ce pays du siège de la future co-entreprise n'en aurait aucune, chacun des deux partenaires continuant de payer ses impôts chez lui. Puis, en auditionnant M. Burtin, nous avons appris qu'il y aurait des conséquences fiscales sur les dividendes.

Le flou est également total quant à la valorisation de Nexter. Certains – comme vous, monsieur le ministre – soutiennent que les deux entreprises ont la même valeur, mais les valorisations ne sont pas arrêtées, à en croire le PDG de Nexter. D'aucuns estiment que Nexter vaut 2 milliards d'euros et KMW 1,5 milliard, ce qui devrait entraîner le paiement d'une soulte de 500 millions d'euros, d'ailleurs évoquée dans la presse. Mais le PDG de KMW a dit très clairement devant la commission de la défense qu'il n'était pas question de soulte.

Quant aux perspectives de rationalisation-optimisation des activités des deux entreprises, nul ne sait non plus ce que l'on entend par là, mais cela implique évidemment des conséquences sur l'emploi.

Dans le cadre d'une mission que m'avait confiée M. François Fillon lorsqu'il était Premier ministre, j'ai rencontré dans son bureau à Berlin l'homologue de notre délégué général à l'armement, avec qui je me suis entretenu de consolidation industrielle. Savez-vous, monsieur le ministre, ce qu'il m'a déclaré les yeux dans les yeux ? « Mais, monsieur le député, la consolidation des industries de défense en Europe se fera, et elle se fera sous pavillon allemand ! » Vous comprendrez qu'ayant entendu cela, je sois particulièrement sensible à certains aspects du dossier.

Enfin, on m'objecte l'action spécifique ; j'en vois bien l'utilité, mais quel en sera le contenu ? Qui prendra les décisions stratégiques ? Un exemple : la France ne fabrique plus d'armement petit calibre : en 1998, M. Alain Richard, ministre de la défense, a fermé les lignes de fabrication de munitions petit calibre de GIAT. Nous devons donc trouver une nouvelle arme que nous allons donc acheter à l'étranger, vraisemblablement en Allemagne, chez HK. Jusqu'où l'action spécifique permettra-t-elle donc d'aller ? Que permettra-t-elle de corriger ? Quels garde-fous offrira-t-elle ?

L'amendement SPE488 concerne un problème important qui a été abordé en commission de la défense : en matière d'exportations, la France et l'Allemagne n'ont pas le même point de vue ni la même pratique. Le PDG de KMW nous a dit lui-même que cela posait un problème et qu'il espérait bien que l'opération prévue conduirait le ministre allemand, M. Sigmar Gabriel, à rapprocher son point de vue de celui de la France sur les questions d'armement. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, il existe des blocages et des difficultés. Nous avons déjà du mal à vendre nos équipements ; voulons-nous en outre dépendre d'une autre vision politique que la nôtre ? J'aimerais obtenir des éclaircissements sur ce point.

Quant à l'amendement SPE489, il tend à ce que le transfert de capital soit abordé au sein du Conseil de défense, lequel est saisi, aux termes du code de la défense, des questions touchant à l'approvisionnement des armées.

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