Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 16 janvier 2015 à 21h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

Monsieur Laurent, je partage votre objectif, mais la mesure que vous proposez présente un paradoxe par rapport à votre exposé des motifs.

La loi de séparation et de régulation des activités bancaires ne remplissait certes pas le critère de la simplicité, mais elle s'avère proportionnée pour répondre à notre situation. La séparation totale de la tenue de marché du reste de l'activité bancaire affaiblirait les banques françaises, qui puisent leurs forces dans leur universalité ; en effet, celle-ci leur confère un bilan dont l'envergure leur permet de financer l'économie réelle ainsi qu'elles-mêmes. Le Gouvernement a établi un plafond pour les activités spéculatives de tenue de marché, ce qui constitue un élément de régulation. Les grandes banques françaises ne se sont pas mal comportées pendant la crise – à l'exception de Dexia, dont nous continuons à payer les déficits successifs liés à sa spécialisation dans un marché aux pratiques déviantes bien documentées – par rapport à leurs grandes concurrentes espagnoles, allemandes, italiennes et britanniques.

La mesure que vous proposez vise à cantonner les activités, ce qui affaiblirait nos banques universelles. Adopté, cet amendement réduirait la capacité des banques françaises à financer l'économie réelle en prêtant aux agents économiques. Nos banques sont stables, fortes et présentes partout dans le territoire ; deux banques ont développé des activités de marché importantes et subissent déjà l'impact des dispositions de la loi bancaire. Le modèle bancaire français a montré sa solidité pendant la crise, contrairement aux banques spéculatives, principalement anglo-saxonnes, qui ont surtitrisé des créances douteuses. Les lois de séparation s'avéraient donc pertinentes au Royaume-Uni et aux États-Unis avec l'application des normes britanniques Vickers et de la réglementation américaine Dodd-Frank. Néanmoins, la mise en oeuvre effective de ces réformes reste très relative, et l'on écrit encore des thèses cherchant à déterminer leur mode d'application.

L'articulation des mesures prises après la crise et des normes dites « Bâle III » – qui ont fortement accru les exigences en matière de solvabilité et de liquidité qui pèsent sur nos banques – a conduit à sécuriser notre dispositif. Si nous allons plus loin, nous augmenterons les effets de la régulation Bâle III ; or, les conséquences de Bâle III se lisent dans la restriction du financement de l'économie par les banques, notamment dans le secteur immobilier. L'exposé de vos motifs devrait vous conduire, monsieur Laurent, à demander au Gouvernement d'ouvrir le sujet de la régulation de Bâle III auprès des enceintes compétentes pour stimuler le financement de l'économie réelle. Au contraire, la mesure que vous nous présentez alimenterait le problème que vous voulez traiter.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

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