Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 14 janvier 2015 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, rapporteur :

Monsieur le président, je me joins à vous pour présenter tous mes voeux à cette commission, son président, ses fonctionnaires et à mes collègues dans leur diversité.

Effectivement, dans ce temps consacré au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), nous avons à auditionner quatre candidats, deux étant proposés par le président de la République et deux par le président de l'Assemblée nationale, sachant que deux autres candidats sont également proposés par le président du Sénat, dans le cadre de la procédure nouvelle qui découle de la révision constitutionnelle de 2008. Mais avant de recevoir la première candidate, je souhaite que nous nous rafraichissions la mémoire sur le Conseil supérieur de la magistrature, vieille dame respectable mais en bonne santé, née il y a un peu plus de 131 ans, rentrée dans notre paysage constitutionnel en 1946 avant d'être sanctuarisée par les articles 64 et 65 de la Constitution du 4 octobre 1958.

Nous recevrons donc aujourd'hui Mme Soraya Amrani Mekki et M. Jean Danet, tous deux proposés par le président de la République, puis M. Fabrice Hourquebie et Mme Evelyne Serverin, tous deux proposés par le président de l'Assemblée nationale. J'observe que ces quatre propositions sont également réparties entre les femmes et les hommes, ce qui est de bon augure.

Je rappelle qu'il ne s'agit pas de désigner ni de confirmer ces candidatures mais de dire, avec nos collègues du Sénat pour ce qui concerne les candidatures proposées par le président de la République, et nous seuls pour ce qui concerne les candidatures proposées par le président de l'Assemblée nationale, si nous entendons nous y opposer à une majorité des trois cinquièmes. J'en profite pour dire qu'un certain nombre d'entre nous estime qu'à ce veto des trois cinquièmes devrait être substitué un vote positif, pour lequel on pourrait demander une majorité qualifiée.

Les personnalités qualifiées dont nous parlons sont au nombre de six depuis la révision constitutionnelle de 2008 et sont désignées pour quatre ans. Le 21 décembre 2010, la commission des Lois avait émis un avis sur les nominations de M. Jean-Pierre Machelon, de Mme Rose-Marie Van Lerberghe, ainsi que sur celles de Mme Martine Lombard et de M. Bertrand Mathieu.

Je ne reviendrai pas sur les règles de vote, mais reprendrai quelques éléments sur le Conseil de la magistrature, sa vie, son oeuvre et son utilité.

Le CSM est composé de 22 membres qui se répartissent dans les trois formations : la formation plénière, qui remplit les fonctions consultatives du Conseil ; la formation compétente à l'égard des magistrats du siège qui est, à ce titre, présidée par le premier président de la Cour de cassation ; la troisième formation, compétente à l'égard des magistrats du parquet qui est, à ce titre, présidée par le procureur général près la Cour de cassation.

Ces 22 membres sont répartis de la manière suivante : 14 magistrats, un conseiller d'État désigné par ses pairs, un avocat désigné par le président du Conseil national des barreaux, et six personnes dites qualifiées, désignées par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, lesquelles ne doivent appartenir ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif.

Ces personnalités qualifiées étaient au nombre de trois avant 2008. Elles sont dorénavant six. Et vous savez que le projet de révision constitutionnelle qui a déjà eu l'occasion d'être examiné ici même, puis au Sénat, a prévu que le nombre des personnalités qualifiées serait ramené à cinq et que leur mode de désignation ne ferait plus intervenir le président de la République ni les présidents des deux assemblées, processus devenu habituel pour d'autres nominations.

Les compétences du CSM peuvent être regroupées en trois catégories : celles qui sont liées à la nomination des magistrats ; celles qui sont liées à leur régime disciplinaire ; enfin, des compétences consultatives qui, pour l'essentiel, incombent à la formation plénière.

À l'égard des magistrats du siège, le CSM dispose d'un pouvoir de proposition pour les postes les plus élevés : il s'agit essentiellement des magistrats à la Cour de cassation et des premiers présidents de cours d'appel. Dans ce cadre-là, la proposition du CSM vaut décision, dans la mesure où le garde des Sceaux ne peut pas s'en défaire. Pour les nominations qui concernent les autres magistrats du siège, l'avis émis sur les propositions faites par le garde des Sceaux est obligatoire, celui-ci ne pouvant passer outre un avis négatif.

À l'égard des magistrats du parquet, sujet sur lequel nos candidats ont été interrogés par écrit et ont formulé des observations fort intéressantes, la formation compétente émet un avis que le garde des Sceaux n'est pas tenu de suivre lorsqu'il est défavorable. Néanmoins, dans la pratique, depuis la révision constitutionnelle de 2008, aucun garde des Sceaux n'a passé outre un avis défavorable. On peut même estimer qu'une certaine forme de jurisprudence est en train de s'installer, qui préfigure le rapprochement des règles de nomination des magistrats du parquet de celles des magistrats du siège.

C'est bien sûr la formation compétente à l'égard des magistrats du siège qui statue en qualité de conseil de discipline des magistrats du siège. La sanction est prononcée directement par le CSM. Il en va différemment pour les magistrats du parquet. La formation compétente émet un avis, le pouvoir de prononcer la sanction appartenant au garde des Sceaux.

Rappelons également que depuis la révision constitutionnelle de 2008, le CSM peut être saisi par un justiciable dès lors que ce dernier estime que le comportement adopté par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.

Le CSM a également des compétences consultatives. Sa formation plénière a pour mission de répondre aux demandes d'avis formulées par le président de la République. Elle se prononce sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le ministre de la Justice saisit le Conseil.

Reprenons à présent les grandes lignes du projet de réforme constitutionnelle que j'ai rapidement évoqué tout à l'heure. Celui-ci avait été déposé sur le Bureau de notre assemblée le 14 mars 2013. Il prévoyait de modifier la composition du Conseil en portant le nombre de ses membres de 22 à 23 : 8 magistrats du siège, 8 magistrats du parquet, un conseiller d'État, un avocat et cinq personnes qualifiées n'appartenant ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif – ce qui est déjà la règle –, mais surtout désignées par un collège de personnalités indépendantes comprenant : le vice-président du Conseil d'État, le président du conseil économique, social et environnemental, le Défenseur des droits, le premier président de la Cour de cassation, le procureur général près la Cour de cassation, le premier président de la Cour des comptes ainsi qu'un professeur des universités. Si elle devait aboutir, cette révision constitutionnelle – sujet sur lequel vous aurez sans doute à coeur de demander l'opinion de nos impétrants – rendrait les magistrats majoritaires au sein du Conseil. Ceux qui ont eu la lourde responsabilité, que j'ai partagée avec certains, il y a quelques années, de siéger dans la commission d'enquête chargée de se pencher sur les conséquences de l'affaire dite d'Outreau, se souviennent que, lors de nos débats, la question de la composition du CSM et de la répartition entre les magistrats et les non magistrats avait été abondamment évoquée.

Je ne veux pas vous noyer sous les chiffres. Mais si certains souhaitaient des précisions sur l'activité du CSM, et notamment sur l'activité de nomination de chacune des formations entre 2006 et 2013, je serais à même de les leur fournir. Sachez en tout cas que pratiquement 1 300 projets de nomination de magistrats du siège, et 550 à 630 projets de nomination de magistrats du parquet sont examinés par le Conseil chaque année, ce qui est extrêmement important. En revanche, le nombre d'observations est limité : environ la moitié des propositions portant sur les magistrats du siège en font l'objet, et une proposition sur trois concernant les magistrats du parquet en fait l'objet. Les avis défavorables sont également peu nombreux. C'est ainsi qu'en 2013, sur 614 avis concernant la formation du parquet, seulement 15 ont été défavorables. Et comme je vous l'ai déjà dit, depuis l'année 2008, les gardes des Sceaux successifs ont suivi ces avis défavorables.

Je terminerai par quelques mots, très brefs, sur les quatre candidats. Comme chacun d'entre vous sans doute, j'ai beaucoup apprécié la qualité de leurs réponses à notre questionnaire : réponses complètes, structurées, qui justifieront sans doute de notre part plutôt des demandes de précision que des demandes portant sur le fond. J'ai apprécié également la diversité de leurs parcours et de leurs profils : trois professeurs d'université, dont l'un a partagé son temps professionnel entre la profession d'avocat et celle d'enseignant en université ; un directeur de recherches au CNRS. Sans présager du vote de notre Commission, l'on peut penser que si leur nomination est confirmée, ces candidats apporteront au CSM la diversité que l'on peut souhaiter des personnes qualifiées, qui doivent être représentatives de la société civile.

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