Intervention de Soraya Amrani Mekki

Réunion du 14 janvier 2015 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Soraya Amrani Mekki :

Cette question, essentielle, est au coeur de l'indépendance de la magistrature.

Vous le savez, il y a une divergence d'interprétation entre le Conseil constitutionnel et la CEDH à ce propos. Le Conseil constitutionnel a rappelé qu'il y avait une unité du corps de la magistrature – même s'il ne l'a pas exprimé de cette façon. La CEDH, quant à elle, considère, comme elle l'a expliqué dans les arrêts Medvedyev et Moulin c. France, que le parquet ne fournit pas les garanties d'indépendance suffisantes pour être qualifié « d'autorité indépendante » au sens de l'article 5 paragraphe 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, nécessaires pour intervenir lorsque les libertés individuelles sont en jeu. Très concrètement, imaginez que l'on arrête des personnes sur un bateau et qu'on les retienne quelques jours. Au-delà d'un certain délai, on devra présenter ces personnes devant une autorité judiciaire indépendante. Le parquet peut-il être cette autorité judiciaire indépendante ? La Cour européenne des droits de l'homme a considéré que non, du fait du statut du ministère public.

Je sais que les membres du ministère public ont souvent été très heurtés par cette décision parce qu'ils peuvent se vivre comme indépendants. Mais il y a une grande différence entre l'indépendance et l'apparence d'indépendance, et la justice doit se donner à voir également de manière indépendante. Lorsque je disais dans mon propos introductif que l'indépendance est faite pour les justiciables, il est important que les justiciables voient cette indépendance en action. Cela peut poser de nombreuses difficultés relativement au statut des magistrats du parquet.

Vous m'avez interrogée sur la possibilité, pour le CSM, d'agir pour cette indépendance. Mais cette possibilité est contrainte et dépend, non pas du CSM, mais de l'intervention du législateur dans le sens d'une réforme du CSM et d'une réforme constitutionnelle.

La question qui se pose est de savoir s'il faut passer, s'agissant de la désignation des membres du parquet, d'un avis simple à un avis conforme. Mais cette question ne peut pas être posée de manière totalement isolée ; on ne peut pas s'interroger uniquement sur l'avis conforme, il faut s'interroger sur un éventuel alignement des procédures de désignation des magistrats du siège et du parquet, ce qui aboutirait, peut-être, à donner au CSM un pouvoir de proposition, s'agissant des postes les plus importants de procureurs généraux. Et on rebondirait, encore une fois, sur la question de l'inamovibilité.

Ces questions concernent un système judiciaire. Toucher à un aspect ne peut qu'avoir des répercussions sur d'autres aspects relatifs au statut, et même, à rebours, sur certains équilibres de procédure pénale.

Donc, il est clair que la réponse ne pourra venir du CSM que si la représentation nationale lui en donne les moyens.

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