Intervention de Soraya Amrani Mekki

Réunion du 14 janvier 2015 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Soraya Amrani Mekki :

D'abord, la justice est effectivement rendue « au nom du peuple français ». Cela figure dans de nombreux textes. La référence à l'article 64 n'est donc pas indispensable pour que ce soit le cas.

Ensuite, la question que vous soulevez est assez complexe et renvoie à une autre question, relative à la légitimité des juges. La culture anglo-saxonne est une culture du précédent, de la coutume et de construction du droit par la jurisprudence. Ce n'est pas la culture française. La jurisprudence n'est plus simplement « la bouche de la loi » parce que, dans le code civil, on a imposé au juge de répondre malgré les insuffisances de la loi et ses obscurités. On dit à chaque étudiant de droit de première année que le juge ne crée pas le droit, mais qu'il y contribue quand même un peu.

Cette collaboration du juge et de la loi pose véritablement question. Je pense à l'article très important de M. Philippe Malaurie intitulé « La jurisprudence combattue par la loi ». En définitive, en France, c'est le législateur qui a le dernier mot.

Maintenant, il y a parfois un décalage important entre le contenu des décisions de justice qui sont rendues et la perception que l'on peut en avoir, soit dans l'opinion publique, soit dans les médias, soit dans des commentaires politiques. On a parfois le sentiment – et je pense aux travaux sur la laïcité – que le fait de passer devant un juge serait forcément un aléa judiciaire, une insécurité, et que le juge s'arrogerait des pouvoirs qu'il n'a pas. Je ne le pense pas. En revanche, je pense que l'institution judiciaire doit améliorer sa communication, la manière de s'exprimer, et renforcer l'accessibilité des décisions de justice.

Quoi qu'il en soit, la justice est rendue « au nom du peuple français », elle n'a pas besoin de l'article 64 pour le faire et je ne vois pas, en France, une dépossession du pouvoir politique par l'autorité judiciaire – laquelle n'est pas encore un pouvoir.

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