Intervention de Jean Danet

Réunion du 14 janvier 2015 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jean Danet :

C'est une perspective sur laquelle nous avions également travaillé dans le cadre du groupe réuni par le professeur Loïc Cadiet en 2011 et début 2012, et que vous retrouvez dans le rapport qui a été déposé et qui s'intitule « Pour une administration au service de la justice ». Je rappelle que ce groupe de travail réunissait des hauts magistrats de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire, et trois universitaires.

Il faut bien comprendre que le passage vers un Conseil supérieur de la justice, comme il en existe dans un certain nombre de pays, a des conséquences systémiques tout à fait essentielles. Les pays dans lesquels existe un Conseil supérieur de la magistrature ont très généralement une architecture budgétaire différente, le budget des juridictions étant rattaché à la mission qui correspond aujourd'hui au contrôle de l'État, c'est-à-dire avec les juridictions administratives. En revanche, dans les pays ayant un Conseil supérieur de la justice, le ministère public reste rattaché au ministère de la Justice sur le plan budgétaire. Cela veut dire aussi que, dans ces pays, le Conseil supérieur de la justice a complètement la main sur la gestion des carrières et que ce que nous connaissons en France aujourd'hui sous la forme de la direction des services judiciaires lui est alors rattaché et quitte le champ du ministère de la Justice.

Aller au bout de ce que signifie le passage à un Conseil supérieur de la justice suppose donc, au plan budgétaire, au plan institutionnel, au plan de la gestion des ressources humaines, de faire un pas extrêmement important, extrêmement audacieux et qui n'est pas sans poser d'immenses questions.

Nous avions exploré ces voies avec le professeur Cadiet. J'avais pour ma part été très marqué par le fait qu'un certain nombre de hauts magistrats qui participaient à ce groupe de travail étaient ouverts à toutes sortes d'évolutions de ce type. J'ai fait le même constat dans la commission présidée par M. Jean-Louis Nadal, à savoir que les propositions innovantes sont souvent venues de magistrats assez élevés dans la hiérarchie, tandis qu'elles recevaient un accueil beaucoup plus frileux de ce que l'on pourrait appeler « la base » de la magistrature. Ce phénomène, qui n'est peut-être pas propre au domaine de la justice, méritait d'être souligné. En tout cas, ce passage à un Conseil supérieur de la justice constituerait une rupture.

Je ne suis pas constitutionnaliste et je me garderais bien de commenter le point de vue de mon éminent collègue, spécialiste de cette question. Malgré tout, il me semble que le dialogue du Conseil supérieur de la magistrature avec le Réseau européen des conseils de justice ne peut être que fructueux. En effet, sur tel ou tel point, nous avons intérêt à observer ce qui se passe chez nos voisins et leur mode de fonctionnement, ne serait-ce que pour permettre à la représentation nationale, ensuite, de faire les choix qui lui paraissent souhaitables, s'agissant de l'évolution du Conseil supérieur de la magistrature.

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