Intervention de Gilbert Collard

Réunion du 14 janvier 2015 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilbert Collard :

J'ai écouté avec intérêt votre analyse très professorale du contre-pouvoir. Je me permets scolairement de rappeler que c'est le philosophe Alain qui, avec les radicaux, a théorisé la notion de contre-pouvoir.

Pour ma part, je crois que ce dont on a le plus besoin aujourd'hui dans notre société, c'est de contre-pouvoirs « couillus », au sens où Rabelais l'entendait, c'est-à-dire forts et puissants. Tout se joue souvent lors des audiences. Rappelez-vous l'arrêt du Parlement de Rennes, en 1617 ou 1619, faisant défense aux magistrats de « maltraiter de paroles » les justiciables et les avocats. Ne croyez-vous pas qu'il serait temps que le CSM puisse dépêcher dans les juridictions des observateurs qui fassent rapport ? L'on a pu entendre un président dire à un justiciable : « bougez-vous ! ». J'ai moi-même entendu le président du tribunal correctionnel de Marseille dire à un autre justiciable : « je ne vous respecte pas ! ». Le premier président saisi a considéré que ce n'était pas un manque d'impartialité, non plus que la Cour européenne. Reste que cela a été dit – ce que j'ai fait acter.

Le tribunal peut être un lieu d'humiliation. Quel que soit le justiciable, la petite humiliation est un petit fascisme. Certains magistrats commettent ces excès qu'un très grand juge appelait « l'abus du petit pouvoir », le petit pouvoir du mot, le petit pouvoir qui blesse, le petit pouvoir de la puissance sur celui qui, quel que soit son statut, est petit devant un juge. Sur la sellette, étymologiquement, l'on est petit. Quand va-t-on s'intéresser, non pas d'un point de vue constitutionnel, mais d'un point de vue humain, à la réalité d'une audience, à la nécessité pour le magistrat d'expliquer son jugement et à la politesse qui est due au justiciable ? Les manquements sont rares mais lorsque cela arrive, que cela fait mal !

Il pourrait y avoir des inspections dans les juridictions sans que le juge le sache, pour observer la manière dont les débats se déroulent. Du point du vue du fonctionnement des contre-pouvoirs, au sens où Alain l'entendait, ce serait très utile pour les « petits » justiciables, étant donné que l'on n'est jamais grand devant un juge.

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