Intervention de Evelyne Serverin

Réunion du 14 janvier 2015 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Evelyne Serverin :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la situation est un peu particulière dans la mesure où il s'agit d'une fonction à laquelle on n'est pas candidat, et pour laquelle il faut donner son accord ; en outre, les voies par lesquelles on est proposé sont assez mystérieuses. Mais je trouve que c'est bien ainsi. D'une certaine manière, j'ai vu, dans le fait que mon nom ait circulé et soit parvenu jusqu'ici, une forme de reconnaissance de ma qualification pour remplir cette fonction. Mais il faudrait demander à tous ceux qui sont à l'origine de cette proposition pourquoi ils ont trouvé ma candidature intéressante.

Maintenant, pourquoi ai-je accepté ? Parce que, pour des raisons que je vais rappeler rapidement, cela ne me paraissait pas totalement inadéquat.

Je suis directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – je crois d'ailleurs que ce serait la première fois qu'un directeur de recherches au CNRS siégerait au CSM. J'ai une double formation, de juriste et de sociologue, et depuis longtemps, mes recherches m'ont portée vers les activités de justice. Mais l'objet de ces recherches a toujours été, non pas les magistrats, mais l'activité des tribunaux, les actions en justice, et surtout les fonctions que remplissent les juridictions dans une société donnée. Durkheim ne disait-il pas que le contentieux et le droit sont la meilleure manière de savoir quel est l'état d'une société ? C'est cette entrée-là que j'ai choisie. Cela explique que pendant des années, sur les sujets les plus divers que je rappelle dans mes notes, j'ai travaillé empiriquement sur l'activité des tribunaux. Il me semblait donc que, du point de vue thématique, il n'était pas complètement hors de propos de faire partie de cette institution, en la voyant cette fois-ci du côté des magistrats.

Ensuite, à partir de 1985, pour des raisons professionnelles, j'ai contribué à mettre en place, avec les services de la Chancellerie, des outils de connaissance des contentieux. Ceux-ci sont tout à fait essentiels lorsque l'on parle de justice. Diverses méthodes sont utilisées ; les méthodes d'observation sont à la mode mais elles sont loin de permettre de prendre la mesure, sur des longues durées, de l'activité des tribunaux. J'étais à l'époque à la sous-direction de la statistique et des études du ministère de la Justice. Par la suite, j'ai collaboré – et je le fais encore – avec le pôle « étude » de la direction des affaires civiles et du Sceau (DACS). D'une certaine manière, j'ai mis « les mains dans le cambouis » pour que l'on puisse disposer, sur les procès, de données un peu plus fines que les indicateurs de durée qui tendent à devenir l'alpha et l'oméga de toute mesure de l'activité de la justice.

Ce long compagnonnage avec les services de la Chancellerie a fait que j'ai dirigé des groupes de travail et mis en place certains dispositifs – essentiellement en matière civile. Je pense que cette activité continue à porter ses fruits. C'est ainsi que je suis en train de travailler sur des séries statistiques sur les prud'hommes, un de mes sujets de prédilection.

D'autres raisons ont fait que j'ai accepté d'être candidate. Celles-ci n'ont plus rien à voir avec la justice, mais avec le fait qu'au CNRS, j'ai longtemps assuré des mandats au comité national. Je précise que cette instance constitue l'autorité hiérarchique des chercheurs, à la fois pour leur recrutement, leur promotion, les concours, et peut aussi rendre des avis en matière disciplinaire. J'ai tiré grand parti de cette expérience. Grâce à ma double formation, j'étais dans la « section 36 » consacrée au droit et à la sociologie, ce qui me permettait de voir passer toutes sortes d'études sur la justice ; ensuite, tout au long de cette activité, j'ai abordé les questions de carrière.

Enfin, depuis 2007, je fais partie du comité d'éthique du CNRS. J'en suis d'ailleurs à mon deuxième mandat. En 2014, ce comité a produit un guide sur l'éthique de la recherche. Or l'éthique de la recherche fait partie de ces questions délicates qui se sont transformées au fur et à mesure de l'évolution des fonctions de l'enseignement et de la recherche.

Pour toutes ces raisons, je n'ai pas considéré présomptueux d'accepter la proposition qui m'avait été faite. Et puis, comme chercheure, je suis curieuse de voir fonctionner une institution différente de toutes celles dans lesquelles j'ai été amenée à évoluer, et d'aller regarder sous un autre aspect les fonctions et les activités de justice.

Avant de répondre à vos questions, je souhaiterais dire un mot sur les réflexions que l'anticipation de mon entrée dans cette institution a pu susciter chez moi.

J'ai lu avec beaucoup d'attention les rapports du CSM qui donnent une certaine idée de son activité et, surtout, une image des magistrats. Mais j'ai été étonnée que l'on ne voie pas très bien comment fonctionnent les différentes formations. Sur le papier, les personnes qualifiées sont majoritaires dans les formations, ce qui signifie qu'elles ont un poids important. Je sais que, sur ce point, une réforme est envisagée. Mais les règles de quorum, les conditions dans lesquelles les rapports sont attribués, toutes ces choses sont très importantes lorsqu'il s'agit de rendre des avis et de prendre des décisions. Or je dois dire que j'ai dû me faire un petit tableau Excel pour essayer de voir comment se répartissent, dans les formations, les différents participants. Sur ce point, je ne bénéficie pas d'informations pratiques, et j'ai encore à apprendre.

Encore une fois, la question des présents et des absents dans les formations, tout comme la question de la contribution des uns et des autres sont très importantes. Quoi qu'il en soit, pour ma part, j'ai l'intention d'être extrêmement présente, de ne pas laisser disparaître une voix dans le quorum, et de suivre effectivement l'ensemble des missions du CSM.

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