Intervention de Général Bertrand Cavallier

Réunion du 15 janvier 2015 à 10h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Général Bertrand Cavallier :

Pour moi, les PSIG ne sont pas des unités de maintien de l'ordre à proprement parler. Ils effectuent des interventions domiciliaires, mais les quelques opérations de maintien de l'ordre qui leur sont confiées reposent sur un emploi très contenu de la force et une psychologie particulière. Cela dit, les PSIG peuvent tout de même être engagés dans des opérations de maintien de l'ordre dans certaines situations exceptionnelles.

Pour ce qui est des moyens, le code de la sécurité intérieure prévoit que la carabine Tikka figure parmi les moyens dont disposent à la fois la gendarmerie et la police nationale, afin de procéder à un tir sélectif visant à neutraliser un tireur isolé faisant feu sur les forces de l'ordre. J'ai appris que la gendarmerie avait mené une réflexion au sujet de l'emploi de cette arme – réflexion qui, à mon sens, s'inscrivait dans une démarche d'amélioration du dispositif actuel. La possibilité que nous soyons un jour confrontés à un tireur isolé – faisant feu depuis le toit d'un bâtiment ou une fenêtre, par exemple – est bien réelle : cette situation s'est déjà produite et elle se produira à nouveau.

La question des VBRG est effectivement centrale : cela fait vingt ans que la gendarmerie estime qu'un renouvellement de son parc blindé s'impose. Je parle d'un parc de véhicules de maintien de l'ordre, et non de combat. En 2003, quand j'ai reçu des membres de la Bundespolizei à Saint-Astier, je leur ai conseillé de porter du bleu, et non du vert, car dans la psychologie collective, c'est l'une des différences essentielles entre un dispositif de maintien de l'ordre et un dispositif de combat – de même, les véhicules servant à la première de ces missions doivent obligatoirement être équipés de roues, les chenilles étant réservées aux véhicules de combat. Comme l'a indiqué le général Denis Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, des choix budgétaires ont été faits dans l'objectif d'assurer la mission de sécurité au quotidien. Cependant, un débat doit être ouvert sur l'urgence de répondre à des besoins en moyens plus spécifiques de la gendarmerie mobile, afin de lui permettre de faire face à toutes les situations – ce qui renvoie à la question de la complémentarité avec l'armée, qui fait partie des forces de troisième catégorie, et demeure régie par le principe des réquisitions.

Il ne faut pas perdre de vue que l'armée de terre a une culture de combat. Dans les années 2000, j'ai participé au sein de la Direction générale à des discussions serrées entre l'État-major des armées et la Direction de la gendarmerie nationale, estimant pour ma part que, dans les opérations extérieures, ce n'était pas à l'armée de terre qu'il revenait de faire du maintien de l'ordre. Depuis, ce principe est totalement admis : ainsi, en République centrafricaine, ce sont les gendarmes qui interviennent actuellement en premier échelon dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre.

J'insiste sur le fait que les gendarmes sont pétris de cette culture de maintien de l'ordre, qui veut que l'on retarde le plus possible l'usage des armes : on ne cherche pas à neutraliser l'adversaire en le détruisant, mais simplement à disperser les attroupements, par exemple. Cela peut d'ailleurs poser problème, dans la mesure où la réactivité d'un gendarme mobile face à une situation de feu est bien inférieure à celle d'un parachutiste, par exemple. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de dire à certains camarades de l'armée de terre que je voyais un non-sens dans le fait de confier des missions de maintien de l'ordre aux parachutistes du 2e REP.

Nous, gendarmes, sommes aptes à assumer des missions difficiles, car nous avons une formation initiale au combat. Le gendarme est d'abord un citoyen ; ensuite un soldat avec ses valeurs spécifiques, son positionnement en tant qu'individu par rapport au collectif – le statut militaire étant très exigeant par rapport au statut civil – et son savoir-faire technique et tactique qui, en le dotant d'une grande mobilité, lui permet de repousser plus longtemps la confrontation avec l'adversaire ; enfin, c'est un uniforme bleu. Un travail considérable est fait dans les écoles de gendarmerie sur les valeurs citoyennes, la tolérance et la constitution de la société.

J'ai eu l'occasion de dire il y a peu de temps, lors d'une rencontre avec un sénateur et des députés, que, pour moi, l'armée devait conserver ses effectifs. Au cours des trois dernières années, j'ai parcouru la plupart des pays du Sahel, et je viens de rentrer de Jordanie, ce qui me permet d'affirmer que nous nous trouvons dans un environnement très instable – et appelé à le rester durablement. Dès lors, notre armée sera de plus en plus engagée, et sa vocation première n'est pas d'être engagée sur le territoire national – étant précisé que certaines menaces sur le territoire national sont initiées en dehors de nos frontières. La complémentarité dans une conception globale de la défense de sécurité appelle une imbrication des différents moyens. Depuis la Révolution française, il est prévu que les armées peuvent être appelées à intervenir comme force de maintien de l'ordre dans le cadre d'une situation d'exception, mais en tant qu'ultima ratio – en dernière extrémité.

Je conclurai en disant un mot de l'entraînement, sur lequel nous devons continuer à mettre l'accent. Quand j'étais chargé de la formation et de l'entraînement en gendarmerie, un budget d'environ 8 millions d'euros était consacré à cette mission ; aujourd'hui, ce budget a été réduit de moitié. Or, c'est bel et bien l'entraînement qui conditionne l'efficacité des forces sur le terrain. Plus un gendarme est entraîné, plus grande sera la maîtrise dont il fera preuve au moment d'agir. Malheureusement, certains choix budgétaires ont été faits, dont l'entraînement pâtit, non sur le plan de la formation doctrinale – bien qu'il faille veiller, sur ce point, à rester en phase avec l'évolution des menaces auxquelles il faut faire face – mais en termes de budget alloué, qui doit rester d'un niveau permettant aux forces de maintien de l'ordre de continuer à exercer leur mission de la meilleure façon sur le terrain : en la matière, je considère qu'une réflexion s'impose.

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